dimanche 12 décembre 2010

Cinéma de quartier.

Aujourd'hui, je vais te parler d'un film a priori en rapport avec le Japon. Je me demande même si tu m'avais pas déjà demandé mon avis, tellement tu sais que j'ai mon mot à dire sur tout, même quand j'y connais rien. Alors voilà : hier soir, j'ai enfin vu Lost in Translation, de Sofia Coppola.

Comme beaucoup de gens de ma génération, j'ai eu une période "mannequins", donc quand tu me montres la photo d'une nana, je sais où il y a du Photoshop et je sais aussi à quoi elle ressemble le matin au réveil. C'est pourquoi je suis toujours hilare quand je vois des gars s'exciter sur ce boudin de Scarlett Johansson. Autant te dire que dans le film, on est servi.

Parce que pour toi, Scarlett Johansson, c'est ça :


Alors que dans la réalité, Scarlett Johansson, c'est plutôt ça :


Comme tu le sais, je regarde à des endroits où toi tu regardes pas. Donc quand je vois Scarlett dans Tôkyô avec son parapluie, je tique :


Parce que pour en avoir utilisé, des parapluies japonais, je peux te dire que tu es rarement couvert et protégé comme il faudrait. Donc quand je vois que Scarlett est largement protégée par son parapluie (check comment il déborde sur sa gauche), je me dis : "cette fille est plus petite que moi".
Alors j'interroge le net et bingo : la femme "la plus sexy du monde" mesure 1,62 m. Je t'invite à reconsidérer la première photo...

Évidemment, je sais bien ce qui te plaît chez Scarlett Johansson, c'est pas la vivacité de son regard : c'est son énorme paire de seins.
Sauf que la paire de Scarlett, c'est un package : elle est livrée avec un gros cul et un gros nez :


D'ailleurs, Sofia Coppola l'a bien compris : la SEULE raison pour laquelle Bill Murray a eu le rôle, c'est qu'il a un plus gros nez qu'elle. Pour faire diversion.

Mais alors le film, il parle de quoi ? Est-il vraiment "Japanophobe" ?

Tu te doutes bien que je me suis tapé quelques pages de ForumJapon avant de venir pondre mon étron et j'ai remarqué que quasiment personne avait pigé le propos du film. Bon, vu la teneur des commentaires que je récolte, c'est pas comme si je m'étais attendu à ce que tout le monde devienne intelligent du jour au lendemain et sache comprendre la pertinence des propos soumis, mais quand même : vous avez une capacité à passer à côté d'évidences, les mecs, vous me tuez à chaque fois.

Par exemple, ce rapport à la langue japonaise. Vous êtes complètement à côté de la plaque, les manos. Vous croyez que c'est un hasard, si la mère Coppola a introduit au JAPON des scènes où l'ami Bill est confronté à de l'italien (moi ça m'a fait le coup quand j'ai vu City of God au Japon : 3h de brésilien avec des sous-titres jap', juste ta tête elle explose) ?


A du français ?


A de l'allemand ?


La cible du film, ce n'est évidemment pas le Japon, mais Bob et Charlotte, 2 paumés de la vie.

Par exemple, le fait qu'ils arrivent pas à dormir. D'où les gens ils restent jet-laggés pendant 3 jours ? Dans quelle dimension ça arrive, ça ? Qui peut croire une seconde que Bob Harris, une star de cinéma, il se retrouve victime du jet-lag pendant tout son séjour au Japon comme si c'était la première fois qu'il prenait l'avion et se retrouvait à l'étranger ? Sérieusement.

Charlotte, elle, c'est la caricature : la fille a fait "philo" à la fac. Toi-même tu sais le pathos de ces nanas : je lis des millions de bouquins et j'ai un pois chiche dans le crâne, je questionne le sens de la réalité et j'ai une vie qui tient sur un post-it. Et si quelqu'un est pas d'accord avec ce que j'ai lu dans Libération, je le traite de facho. Paie ta névrose.

Alors du coup, la fille qui réfléchit sur le sens de l'univers, elle est complètement aux fraises dans un pays étranger, tu penses. Tellement elle se fait chier, elle passe ses journées dans sa chambre d'hôtel (pour vérifier si Clarence il mitonne ou bien si sa dialectique elle casse des briques), mais heureusement à la fin elle a trouvé sa thérapie : recouvrir un arbre de nœuds en papier. Ça lui a pris la journée, mais c'est plutôt joli, faut avouer.


Bref, loin d'être le film de Japan bashing que certains y ont vu, Lost in Translation tape surtout sur ces 2 ratés qui sont passés à côté de leur vie : Bob avoue qu'il cachetonne dans une pub alors qu'il pourrait jouer dans une pièce, Charlotte a déjà envie de se mettre une balle après 2 ans de mariage et, bien sûr, nos 2 trous-du-cul découvrent qu'en fait, le Japon est un pays EXACTEMENT comme les autres, c'est-à-dire qu'effectivement, tu peux trouver moyen de t'amuser si tu sors un peu de chez toi ; au bout de 50 minutes de neurasthénie, Bob et Charlotte sont touchés par la grâce : courir dans les rues, c'est fun. Aller au karaoke, c'est fun. Rencontrer des gens, c'est fun.

OH PUTAIN LE SATORI DE OUF !!! Comment ça valait le coup de faire le voyage !!

Finalement, Lost in Translation ne raconte pas autre chose que le syndrome de l'ascenseur : parce que ces 2 personnes se sont rencontrées, isolées dans un pays étranger comme 2 personnes bloquées dans un ascenseur, elle se sont trouvées des intérêts communs et en sont même venues à s'aimer. Bob est attiré par ce petit boudin de Charlotte parce que c'est moins pire que de rester seul. D'ailleurs il est plein aux as, mais il va pas se taper de la kogal : il se tape la vieille chanteuse du bar, qui elle aussi cachetonne avec des chansons pourries à propos de sauge et de romarin.

Le syndrome de l'ascenseur, rien de plus.
Et devine quelle est la première scène que Bill et Scarlett ont en commun, hmm ?


30 commentaires:

David a dit…

J'y vais de mes two cents.

Il y a des gens qui y voient un film sur le Japon à Lost in Translation ?
Où sont-ils ?!
Que je n'y aille surtout pas de peur de les croiser ?

Comme tu le dis, le Japon, c'est juste un décor dans ce film, ça pourrait être n'importe où tant que les deux personnages se sentent perdus et isolés.

Car c'est bien de ça qu'il s'agit, de gens perdus.
D'ailleurs, le titre dit tout ! "Lost in Translation" c'est pas Sofia Coppola a inventé l'expression, pourquoi aller chercher plus loin ?
Mais bon je vais pas commencer à analyser le film, je ne ferai que paraphraser ton post.

Juste trois commentaires:
-Pour le jetlag, j'en ai déjà connus qui ont duré 2 semaines (mais bon c'est parce que je m'obstinais à me coucher à 6 heures du mat tous les jours).
-Pour l'étudiante de philo. La connotation est différente aux US et en France. Pour la France pas mieux que toi. Pour les US, le stéréotype c'est plutôt le jeune super cultivé (chose exceptionnelle aux US, ne l'oublions pas) qui sait tout un tas de trucs sur tout un tas de sujets, mais dont pas un ne lui servira dans la vie (comprendre pour se faire du pognon).
-Finalement, ne pas oublier que c'est pas une trilogie sur le Japon qu'elle a fait Sofia Coppola, c'est une trilogie sur des "jeunes filles qui s'emmerdent" (d'ailleurs comme beaucoup d'épisodes de beaucoup de trilogie, c'est le meilleur).

Nesterou a dit…

Ça m'étonnais aussi que tu n'en ai pas parlé avant, de ce film.

J'ai jamais été très fine niveau compréhension de films...
En fait je cherche pas trop. Lost et Inception par exemple, tout le monde se mettait sur la gueule pour savoir la sacro-sainte vérité... moi je m'en tape, un film ça me divertit avant tout (je daigne parfois réfléchir).

Mais Lost in Translation, après avoir lu ton article je le vois d'un autre oeil. J'avais juste bien compris le "on a raté nos vies, il faut qu'on aille au Japon pour s'en rendre compte".

Pour Scarlett au contraire, j'ai été déçue de voir à quoi elle ressemble partout ailleurs que dans le film.

Anonyme a dit…

Autant je suis d'accord avec toi sur le Toshop qu'il y a maintes et maintes fois sur les photos du "boudin", encore dans The Island y'a franchement rien à jeter, mais moi j'aurais plein de trucs à mettre.

Le truc avec Scarlette c'est pour ma part que je la trouve charmante au delà de sa beauté qu'on juge comme on veut.
Et totalement d'accord avec le film.
Perso je l'ai beaucoup aimé, mais l'ai trouvé un peu gnan gnan comme toi.

Eyfiss, Les Inrocks

David a dit…

Quant au physique de Scarlett, il y a pas que du Photoshop. Il y aussi le fait qu'entre 2003 et 2005 elle est devenue mondialement célèbre, ce qui équivaut pour une actrice jeune et pas trop moche voire plus d'être au régime forcée, d'avoir son personal trainer 3 heures par jour et ce genre de choses.

Ju a dit…

Perso sur la première photo je la trouve immonde, le côté trash-pute descente d'héro en déguisement de léopard non merci ; alors que sur la deuxième elle est mignonne. Comme quoi, hein.

Sinon Lost in translation c'est aussi des travelings sur les buldings plein d'enseignes, les reflets dans les vitres des taxis, les moments camera à l'épaule, la musique de Kevin Shields... on l'oublie souvent mais un film c'est aussi des images et du son ;-)

Robert Patrick a dit…

@Tout le monde : non mais vous pouvez me dire ce que vous voulez sur le physique de Scarlett, LA MEUF A QUAND MÊME LE TARIN D'EDDY MITCHELL, QUOI !

Max a dit…

Moi j'aime Mr Eddy ^^

Sur le film que j'ai vu il y a une paye, ce que je me rappelle en effet c'est que ce n'est pas un film sur le Japon mais un film sur la solitude de deux personnes qui à force de se faire chier comme pas possible et d'errer vont se rapprocher.

C'est le symdrôme de l'ami Kleenex (thème défendu dans fight club). Qui n'a jamais ressenti ca? Quand je suis en voyage je suis la plupart du temps seul et une fois de temps en temps, j'ai "besoin" de m'accrocher à quelqu'un surtout si le pays où je suis est bien différent.

Max

Kamui a dit…

Je crois que tu n'as pas compris le main Theme de Lost in Translation qui est le même que ces autres films (Virgin suicides, Marie-Antoinette) d'ailleurs : la difficulté de rentrer dans le monde adulte. Pour une jeune fille. Car tout le reste de Lost in Translation, les néons le japon, etc on pouvait avoir la même n'importe où dans le monde.

Robert Patrick a dit…

@Kamui : si c'est effectivement le thème principal de ce film, alors on a affaire à un film raté. Donc il vaudrait mieux pas.

Anonyme a dit…

C'est vrai qu'avec son nez refait, la pilule passe mieux m'enfin...

Non non, je ne crache pas dessus.

Eled. a dit…

J'monte dans un train en marche mais, moi aussi j'ai pas pigé ton billet, en fait.

Y'a VRAIMENT des types assez à l'ouest pour pas avoir calé ça ?

Et moi j'suis du même avis que Ju en fait, j'l'aime pas tellement sur ta première photo mais je la trouve assez "détente" dans le film, même assez mignonne. Elle a plein de charme, et y'a pas besoin de faire des mensurations de top-model ou d'actrice AV pour ça.

ps : J'ai eu "tardscha" comme capcha, une capcha pour retards ? :D

Robert Patrick a dit…

@Eled : mais OUAIS, mec, y a des gars qui ont hurlé au cliché sur le Japon, qui ont cru qu'on ridiculisait les Japonais en montrant des clichés péjoratifs et tout.
Mais globalement, tu remarqueras qu'ici comme sur ForumJapon, ceux qui sont pas tombés dans le panneau sont ceux qui ont l'habitude de voyager et qui ont donc dépassé naturellement le côté carte postale.

Max a dit…

@RP De toute façon, comment peux tu commencer à connaître (je parle même pas de comprendre) un pays si tu n'y a pas foutu les pieds? Comme tu dis, sur FJ, on en a eu quelques cas bien comme il fallait. Le côté carte postale est tellement facile à aimer.

Et encore, y mettre les pieds ne signifie pas le connaitre, on le voit bien.

boryokugai a dit…

Et si on revenait un peu sur du cinéma old school japonais ?

Anonyme a dit…

Les "gars" qui ont hurlé au cliché sur le Japon ont été influencés par les critiques de cinéma et autres abrutis de service qui ont essayé de résumer le film en une phrase : Bill Murray et Scarlett Johansson vont au Japon. C'est en tout cas comme cela que le film a été présenté.
Du coup, ces "gars" sont aussi à ranger dans la catégorie des abrutis.

Au final, j'ai trouvé l'analyse plutôt bonne et le passage sur Scarlett m'a fait marrer

Daggon a dit…

(Plop, première intervention dans les commentaires de ma part)
Il faut en vouloir pour donner au Japon plus que le rôle de toile de fond.
Sinon, critique sympa.

Et remarque sur la connaissance du Japon : pas besoin d'y être allé ou d'y avoir vécu pour apprendre à connaitre le pays et à relativiser les ont-dit. Ou si ce n'est pas le cas, il faut arrêter de perdre du temps à tenir des blogs tels que celui-ci ....

David in Setouchi a dit…

@Daggon: Si être allé dans un pays n'est pas nécessaire pour pouvoir relativiser des on-dits (pour cela c'est simplement un cerveau en bon état de marche qui l'est), pour connaître et surtout comprendre un pays, y être allé est non seulement nécessaire mais surtout pas suffisant. Il faudra aussi y avoir vécu, et y avoir vécu en fréquentant la population locale, pas juste un petit cercle d'expats. Il faudra aussi savoir prendre du recul sur ce que l'on observe (et sur son propre prisme culturel) pour pouvoir l'analyser correctement, et j'en passe.
Bref, c'est un travail de plusieurs années.

Daggon a dit…

@David: Tu as mis le piédestal un peu haut et je vais me permettre de disconvenir.
Si pour bien connaitre la vie quotidienne au Japon il est évidemment nécessaire d'y vivre, ça n'a qu'un lointain rapport avec la connaissance et la compréhension générale du pays.
Sans être sur place j'ai accès - sans être exhaustif - aux livres japonais, aux livres étrangers sur le Japon, à une bonne partie de la télévision japonaise, au net japonais, aux blogs/sites étrangers sur le japon, à la musique japonaise, au cinéma japonais, et même à des japonais (exportés ou via Internet/téléphone). Comment diable peut on affirmer que toute connaissance et compréhension du Japon est hors de ma portée ?

Robert Patrick a dit…

@Daggon : je vais de permettre de répondre à ta question. "Toute connaissance et compréhension" du Japon ne sont pas hors de ta portée, néanmoins je vois bien que les sujets abordés dans ce blog le sont rarement dans d'autres media. Donc l'expérience du Japon, c'est un fossé qui sépare la connaissance rapportée de ce que toi tu peux vivre sur place. Le problème des connaissances rapportées, c'est souvent qu'elles filtrent ce qui ne serait pas filtré si tu étais sur place.
Il y a tout un aspect qui n'est pas compréhensible car pas envisageable si tu n'as pas vécu sur place, et même si je te raconte précisément cet aspect tu n'en auras pas la compréhension tant que tu n'en auras pas l'expérience.

Je vais te donner un exemple :
les camions des hommes politiques qui hurlent. Tu en as peut-être entendu parler, tu en as vu un passer dans Lost in Translation, OK. Peux-tu estimer le volume sonore en fonction de la distance ? Connais-tu la fréquence de leur passage par jour, par mois, dans l'année ? Non. L'anecdote, tu l'as lue partout, mais tu n'as jamais été réveillé au milieu d'un sieste après une nuit infernale de baito dans un pachinko avec un mal de crâne de légende (parce que le pachinko, au secours, quoi).
Entre le mec qui te dit que ça existe et ton expérience douloureuse du truc, la place apportée à cet élément par la personne qui t'en parle et la place que tu lui accorderas dans ta vision du Japon vont différer.

Et il y a des milliers de choses dans ce genre, parce que bien évidemment les gens qui te transmettent l'information filtrent de façon conscient ou inconsciente ce qu'il t'expliquent.

Il y a des tas de gens qui croient connaître le Japon grâce aux reportages de M6. Ça fait sens : on est en 2010, les mecs ont décidé de faire une émission sur le Japon, ils doivent avoir fait correctement leur boulot et être bien renseignés.
Sauf que non. La vision qu'on t'a présentée est complètement biaisée. Et la mienne aussi : mon blog s'adresse à des gens qui connaissent déjà le Japon et peuvent comprendre l'ironie. Celui qui croirait que je lui raconte le vrai Japon, il serait déçu, comme quand il regarde un reportage de M6 et comme quand il lit des romans d'Amélie Nothomb.

On filtre tous, c'est inévitable.

David in Setouchi a dit…

Bon je vais essayer de ne pas trop paraphraser Robert, mais il a sorti le mot-clé: l'expérience.

Tu peux lire tout ce que tu veux partout, tu peux parler à tous les Japonais que tu veux, tant que tu n'auras pas vécu au Japon un certain nombre d'années entouré d'un certain nombre de Japonais dans ta vie quotidienne tu ne connaîtras pas le Japon et tu ne le comprendras pas.
Ce n'est pas spécifique au Japon, ça marche pour n'importe quel pays.

Je sais bien que tu penseras qu'on exagère, que c'est possible autrement. Non, cela ne l'est pas. Je vais raconter ma vie deux minutes et parler d'un autre pays que les Français croient bien connaître parce que les médias les abreuvent de trucs venant de là-bas c'est les US.
J'y ai vécu 7 ans, dont 5 entourés pratiquement uniquement d'Américains. Il m'a peut-être fallu deux ans, voire trois pour commencer à bien comprendre ce pays (et encore la Côte Ouest me dépasse un peu parfois, ayant vécu dans l'Est uniquement). Il m'a fallu beaucoup moins de temps par contre pour comprendre que tout ce que l'on entend en France à propos des US n'est que fadaises et conneries. Je ne parle pas tant des séries TV que de logorrhées incessantes des commentateurs, journalistes, intellectuels qui passent leur carrière à analyser ce pays, à expliquer que ceci ou que cela, et bien évidemment, le bon peuple qui pense connaître le pays (après tout, tout ce qu'il regarde à la TV - vous avez déjà remarqué la place que prennent les US dans les news en France ? hallucinant et disproportionné - et au ciné vient de là-bas). Sauf qu'à peu près 90% est à côté de la plaque. Pourquoi ? Parce que les gens faisant cette analyse n'y ont jamais vécu.

Le plus pernicieux dans la majorité des différences culturelles c'est qu'il faut parfois des mois pour prendre seulement conscience qu'elles existent. Aucun livre, aucune analyse aucun témoignage n'y fera rien, il faut y être personnellement confronté.

Pour le Japon (désolé, je vais continuer à raconter un peu ma vie), je suis marié à une Japonaise, nous vivons ensemble - en France - depuis plusieurs années, je suis allé au Japon plusieurs fois, et je n'ai surtout pas la prétention de comprendre quoique ce soit au pays. En ce moment, je commence juste à saisir certains trucs auxquels j'ai été confronté systématiquement lors de mes voyages. Les trucs nouveaux ? Surtout pas. Je peux les observer au mieux. Si j'ai lu un truc dessus ou si ma femme m'en a parlé, je peux dire "ah oui, c'est ça" mais ça ne me fait pas mieux le comprendre.
Et pourtant j'ai mon expérience d'ex-expat derrière moi, je bosse avec des étrangers (de plusieurs nationalités) depuis 13 ans, ça me permet peut-être de ne pas faire certains erreurs - comme celle de croire que je peux comprendre grâce à des livres ou des témoignages - mais ça ne m'aide pas à comprendre sans faire l'expérience répétée de la chose auparavant.

Daggon a dit…

@David & RP
Merci de vos réponses développées.
Je ne vais pas chercher à vous convaincre plus car j'ai déjà l'impression d'être en plein hors sujet avec cette discussion.

Vos points de vue sont intéressants et il est exact que l'expérience personnelle est irremplaçable. Vous dérivez par contre tous les deux sur la notion selon laquelle nulle connaissance ne peut exister sans l'expérience personnelle des choses (une sous catégorie de l'empirisme probablement). Et là, je crois que vous allez un peu voir beaucoup trop loin.
Votre expérience personnelle est limitée par le champ de vos perceptions; vous vous construiriez une version personnelle du monde qui serait au final très limitée si vous vous contentiez de cela (pour schématiser, votre habitation est bien connue, votre quartier à peu prés connu, votre ville à peine ...).
Toute connaissance globale ne peut advenir qu'à travers des intermédiaires (et malgré tous ces filtres qu'il faut apprendre à compenser).
Il me manque probablement quelques clés de compréhension sur le Japon et ses habitants, mais je ne crois pas que cela invalide toute connaissance à ce propos pour autant (comme prévu par David, je trouve bel et bien que vous exagérez).

Enfin, merci encore de votre attention.
RP, continues donc de faire vivre ce blog (il y a quand même de gros moment de creux ...). Même si au final la plupart des sujets que tu abordes sont déjà partiellement au moins vus ailleurs (désolé de te décevoir), je reviens régulièrement depuis 2 ou 3 ans profiter de ton point de vue, de ton écriture et de ton humour croustillants que j'apprécie beaucoup.

PS: bon, je n'ai pas pu m'empêcher de rebondir alors que je voulais en finir .... Faites comme bon vous semble si vous désirez me répondre ;)

David a dit…

Attention, je trouve que tu amalgames "connaissance" avec "compréhension", ce qui te fait mal comprendre notre propos.

Nous parlons ici de "culture étrangère", pas de n'importe quelle chose et cela à toute son importance.

Est-ce que je peux comprendre l'organisation du système solaire sans aller dans l'espace ? Oui. Car apprendre les connaissances empiriques sur la chose suffit.

Mais comprendre ce que l'on ressent quand on fait un match de foot sans jamais être allé sur un terrain ?
Pour ça, aucun témoignage, aucune lecture ne pourra remplacer l'expérience.

Pour une autre culture, c'est encore autre chose. On peut connaître une culture de manière empirique, mais cette connaissance ne sera que théorique, pour vraiment la comprendre, il faudra impérativement l'expérimenter : il ne s'agit pas ici uniquement de connaissances théoriques, tout se joue au niveau humain, et là, l'expérience sera indispensable. Cette compréhension, ce n'est pas quelque chose qu'on acquiert consciemment (le choix de mon verbe est loin d'être innocent là), ce n'est pas quelque chose que l'on peut apprendre. Ce n'est pas une connaissance. Cela se joue au niveau du cerveau rationnel, mais pas seulement et à peine. L'émotionnel entre en jeu, la sensibilité, la perception, les sens (cf l'exemple de Robert sur le bruit), comprendre une culture étrangère cela met à contribution la totalité du corps et de l'esprit.

Un dernier exemple : oui aux US, la nourriture c'est de la merde. C'est vrai ! Tu pourras lire tout ce que tu veux sur le comment du pourquoi de cet état de fait, tu ne le comprendras vraiment qu'une fois que tu en auras bouffé tous les jours à tous les repas pendant des mois voire des années. Et le corollaire est vrai, les Américains (généralisons) savent que la nourriture en France est meilleure, mais ils nieront que la leur est de la merde, car malgré ce qu'ils auront entendu à propos de la bouffe française, ils n'ont pas de point de comparaison dans leurs tripes : la merde qu'ils bouffent depuis tout petit est "normale" pour eux, elle peut même être bonne à leurs yeux. Puisqu'ils ne connaissent pas autre chose, ils considéreront le moins mauvais comme bon, ou les saveurs sucrées de leur enfance comme délicieuses, non pas à cause de leur vrai goût (vous avez déjà goûté du Peanut Butter & Jelly ?) mais à cause de tout ce que cela rappelle consciemment ou inconsciemment quand ils le mettent dans leur bouche...

(bon j'arrête là sinon je vais encore en faire des pages)

Eled. a dit…

Je m'en veux un peu de répondre mais, j'ai un peu l'impression que ton discours a dérivé du propos initial, David.

Note au lecteur, je vais faire mon chieur, je réagis d'un point de vue logique aux commentaires précédents, et je fais ça sans préparation préalable, je vais donc essayer de laisser un TLDR; en fin, pour ceux que ça fait chier.

On est d'accord sur pas mal de points mais j'ai la nette impression qu'on en tire pas les mêmes choses.

Pour moi, l'expérience ça n'est jamais rien d'autre qu'une vue de plus sur la réalité.
Je ne vois pas en quoi elle a plus ou moins de valeur qu'un savoir rapporté. Comme le dit RP "c'est filtré, tout le monde filtre, même toi et moi filtrons", tu filtres autant que le type qui en parle, au final ta vue a une valeur subjective égale à la leur.
Maintenant, pour une analyse globale (ce dont parlait initialement Daggon, j'ai cru comprendre), il est important de confronter le maximum de vues possibles, la sienne si possible, mais de façon toute aussi importante celle de gens de tous horizons (quels qu'ils soient) afin de limiter la variance due au filtrage individuel (et l'influence qui en résulte sur sa propre perception, du coup).

Se faire une opinion objectif entièrement seul ? Impensable : la masse d'information est bien trop colossale ; quelle que soit la discipline aucun homme ne pourrait retracer seul le chemin accompli par l'ensemble socio-culturel humain.

Se faire une opinion objectif sur un échantillon limité sans expérience personnelle ? Impensable : plusieurs horizons, plusieurs expériences ; mais la variance est inversement proportionnelle au nombre de sources. En résumé, à moins d'une énorme quantité d'informations provenant de sources très variées, difficile de ne pas tomber dans les traditionnels écueils d'idées reçues.

Donc, l'expérience, c'est bien, mais c'est TON expérience du pays qui s'enrichit. Le fait de vivre sur place est un gros avantage par le seul fait que tu es submergé par la quantité d'informations provenant de la culture "étudiée". En somme, tu auras TON point de vue sur beaucoup d'éléments de façon bien plus rapide que si tu devais lire des blogs, des thèses, ou écouter Mr. Random.

Il subsiste cependant que c'est TON expérience, subjective, avec les choses qui t'intéressent, les choses que tu ignores ou que ton entourage obstrue. Au final, un type bien renseigné n'y ayant pas foutu les pieds peut potentiellement comprendre de façon beaucoup plus poussée qu'un type qui y a vécu 5 ans ou 10 ans.

Tout ça pour dire que c'est biaisé et dire que ce type de savoir est différent d'un autre, beh, c'est faux, c'est exactement la même chose.
La seule différence entre tes exemples, c'est la complexité du système dont dépend la diversité des sources (faible dans le cas du système solaire, élevée dans le cas des sciences humaines).

Pour en revenir aux "sentiments", ça aussi, si la sensation d'un match de foot n'est pas sensément "expliquable", c'est parce que trop de paramètres entrent en jeu, pas parce qu'il faut obligatoirement l'expérimenter.

TLDR : Expérience personnelle et expérience procurée, c'est un apport objectif identique ; finalement, la seule chose de plus qu'apporte l'expérience personnelle pour moi, c'est la connaissance de soi.

Anonyme a dit…

Bon, puisque j'ai des trucs à faire mais pas envie de m'y mettre, qu'il est 3h20 du matin, et que j'ai picolé, je vais écrire un truc susceptible de générer des réponses sur Internet.
Comme ça je m'endormirai fébrilement. Et demain matin en me relevant, je reviendrai lire les réactions le cœur battant, prêt à en découdre (juste le temps de voir que tout le monde se fout éperdument de ma participation, et l'a ignorée comme j'ai ignoré toutes les réactions des gens qui ont posté avant moi).

Alors voilà : autant faire mon coming out dès le départ, je serai le facho de la discussion.
Autrement dit, j'ai fait partie des gens qui ont crié au cliché raciste après avoir vu le film. Et je vais défendre mon point de vue.
HAAAAAN !

Pour commencer, je dois faire un aveu. Je suis cinématographiquement débile. Je ne comprends jamais rien aux subtilités des films. Et je n'ai absolument pas vu dans Lost in Translation tout ce dont tu parles.
Or, c'est pertinent. Donc tu m'as ouvert les yeux.
Pas que ça me change la vie, non, restons réalistes : je ne passe pas mes journées à repenser à ce film que j'ai vu en torrent il y a longtemps.
Mais ça fait toujours du bien de lire des choses qui nous rappellent qu'on se trompe, alors pour ça, merci.

Maintenant, je passe à la viande.
Ce qui m'a fait bondir sur la défensive, en voyant ce film, c'est moins le "contenu par rapport à ma propre expérience du Japon" que le "contenu par rapport å ceux qui vont me casser les couilles avec".
Ça fait dix ans que je vis au Japon. J'en ai à peine plus de trente. J'ai passé la presque totalité de mon existence d'adulte dans l'archipel, et j'y suis encore. Lorsque, au hasard d'un voyage à l'étranger - genre en France - je croise quelqu'un que je n'ai pas vu depuis longtemps, je suis chaque fois contraint de démonter (dans la mesure du possible) les préjugés qu'on me ressort inévitablement sur le pays.
Ça va de l'inénarrable "entre modernité et tradition" de mes cours d'histoire de terminale au fantasme des "jeux télévisés de 20h où on fait absorber du vomi par l'anus à des participantes nues portant des oreilles de lapin" de la génération internet.
Bah c'est relou.
Du coup, tout ce qui peut (ou pire, _risque_) d'alimenter cet ennemi, ce calvaire, ce rocher de Sisyphe qu'est devenue "l'image du Japon à l'étranger", ça provoque chez moi un réflexe de facepalm et/ou de fulmination indignée.

Non, ce n'est pas toujours fondé - loin de là. Oui, c'est même parfois franchement déplacé. Et puis c'est nul, ça manque de recul, tout ça.
N'empêche.
J'aimerais qu'on me foute la paix avec ce pays : râler sur les œuvres qui en exploitent l'image, c'est juste ma façon de péter un coup.

Voilà. Alors je revendique.

D. Gator a dit…

Donc si j'ai bien tout compris, cher Anonyme, tu as découvert que les gens n'ayant jamais vécu dans un pays ont des visions caricaturales du pays en question et donc en conséquence tu n'aimes pas les films qui se passent dans le pays en question même s'ils ne parlent pas du pays en question...
Mmmm...

Anonyme a dit…

Cher D. Gator, je comprends ton empressement au bon mot ; il serait tellement dommage de rater une vanne quand on a trouvé un couillon à recadrer sur Internet !
Malheureusement, permets-moi de le préciser clairement : tu n'as pas bien compris ce que j'ai écrit.
Je n'ai pas "découvert" que les gens avaient des clichés, et je n'ai dit nulle part que je n'avais "pas aimé" le film - le cœur de mon argumentation, c'est justement l'inverse : la réaction d'agacement est un réflexe, totalement indépendant de la qualité intrinsèque du film. Je n'émets aucun jugement de valeur sur sa qualité - mais je râle quand même dessus.
Peut-être que c'était mal dit ; peut-être que tu as mal lu. Qu'importe.

Si le film s'était passé en Finlande, avec des gens nus dans des saunas qui parlent en faisant "RULP RULP", je n'aurais rien dit : ce qui m'embête, ce n'est pas l'utilisation de clichés en elle-même. C'est l'utilisation de clichés avec lesquels on va revenir me saoûler sur mes choix de vie.

Un peu comme si tu avais un super téléfilm analysant le processus de développement de la schizophrénie chez un jeune dont la mère, (naine et) divorcée, est une femme castratrice et possessive, qui tente d'évacuer le sentiment de culpabilité que lui a laissé l'impression adolescente de ne pas être aimée par ses parents en compensant par une sur-protection de son propre enfant - conduisant ce dernier à une relation tellement exclusive qu'il s'isole socialement, devient un otaque qui joue aux jeux vidéo, et finit par tuer des gens.
Le thème du film a beau être le développement de la folie ; tu comprends d'avance que ça va réveiller chez tous ceux qui te savent joueur le réflexe de "les jeux vidéo çay le mal".

Confrontés à une situation comme celle-là, il y a des gens qui, comme moi, choisissent d'évacuer par avance l'ennui que vont causer les discussions qui découleront de la diffusion de cette œuvre télévisuelle en se rassemblant sur Internet pour dauber de concert.
Faut pas le prendre trop au sérieux : c'est, comme je l'écrivais, juste une façon de péter un coup.

D. Gator a dit…

Donc si j'ai bien compris, tu dis que tu n'as aucune raison de râler, mais que tu le fais quand même par pur réflexe pavlovien?

Intéressant...

Anonyme a dit…

Ah, les espaces de discussion en ligne...
Tu t'embêtes un quart d'heure à taper un texte construit, en plusieurs paragraphes, en essayant de mettre des blagues dedans (ouais, je sais : fail. Mais j'ai essayé !).
Et tu tombes toujours sur un pisse-froid qui fait "hin !" avec le nez avant de te répondre de façon lapidaire, en te jetant au visage une pauvre phrase toute moisie, cassante, et forcément un peu à côté de la plaque.
Je suis déçu.
Une fois de plus.
Tant pis.

Cher D. Gator, puisque tu sembles perdre le fil quand ça devient trop long, laisse-moi donc te résumer mon propos en quatre points, avant de me draper dans ma fierté et de repartir loin de toute cette lumière qui me brûle les rétines (Oh ! Teh internet drama !1!) :
tl;dr (je balise clairement mon texte pour que tu saches où commencer ta lecture)
1- Je n'ai pas pris Lost in Translation comme une charge contre le Japon
2- Mais il bâtit son cadre avec le torchis des clichés habituels sur le pays
3- Or, à chaque nouvelle occurrence de ces clichés, il se trouve des gens pour revenir me faire chier avec
4- Donc je râle, et j'ai mes raisons de râler.

Ça va ? Ça passe mieux, là ?

Ultime caprice du destin - j'étais venu poster dans les commentaires de cet article sous le coup d'une ébriété avancée ; voici que Blogger me propose d'en repartir en vérifiant cette ultime intervention (Oh ! Teh internet drama !1! Again !) avec le mot "prosit".
Ça mériterait presque un screenshot.

Renaud a dit…

J'aime beaucoup la référence à F'murrr :)
Et je me fais insulter quand je dis que j'aime pas spécialement Scarlett.
J'aime ce blog, merci à toi.
(Non, ce n'était pas un anglicisme.)

Robert Patrick a dit…

@Renaud : j'ai dû cherche F'murrr sur Google. Jamais lu une seule ligne de ce truc.

 
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