samedi 15 septembre 2012

Spin the bottle.


Pendant que l'industrie du jeu vidéo continue de déverser des infos dont t'as rien à foutre (un portage de Monster Hunter 3DS sur la Wii U ? NOOOOOOONN, sans déc ?!), je vais te raconter comment on drague des filles quand on est un feignant, c'est-à-dire pas un chasseur (ouais, deux fois "hunter" dans la même phrase ça fait pas joli, je trouve).

Rien de plus simple : on participe à un gôkon, c'est-à-dire le plan 3 garçons/3 filles, un maître de cérémonie, racontez vos vies, embrassez-vous. Bon. Moi, en ce moment, je suis pas tellement dans la recherche : quand tu bosses 6 jours sur 7, le septième t'as pas vraiment envie d'entendre des phrases comme "Alors mon chéri, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ?", tu vois. Mais les articles ils vont pas s'écrire tout seuls, hein, alors si y a de l'XP à se faire, envoie les invit'.

1) Le MC
Comme pour les jeux de rôles, le MC est celui qui décide de l'histoire et de son déroulement. Normalement c'est lui qui trouve l'endroit idéal, qui gère le nombre de participants et qui essaie de faire en sorte que ça coûte le moins possible à chacun. Si le mec te dit : "j'ai réservé une table pour 6 chez Mos Burger", y a pas bon.

2) Le cadre
Idéalement, une sorte de resto/izakaya sans le bruit et avec de la bouffe correcte, un truc où tu es assez isolé des poivrots d'à côté qui braillent, avec une ambiance tamisée, pas de musique reloue, et puis avec une formule "boissons à volonté" pendant 3 heures. Je t'ai déjà expliqué pour les filles et l'alcool, fais juste attention à celles qui abusent si tu veux éviter le dépôt de bile. En revanche, si elles commencent à la bière et enchaînent tout de suite après sur du thé glacé ou des boissons non alcoolisées, ça sent la défaite.

3) Les membres
Le plan 3/3, perso, je trouve ça un peu ric-rac. En général tu dois venir avec ton copain marrant ou ta copine moche, ce qui fait que s'il y a 3 personnes de chaque sexe vraiment intéressées pour rencontrer un partenaire, on est tout de suite 12, ce qui est vachement plus sympa pour ton réseau social, justement si t'es pas là pour choper. C'est aussi important pour le fameux moment de la rotation, que je t'explique un peu plus tard.

Le MC est un bon pote à moi, un type en or, et quand on se retrouve devant le 109 (autant je suis pas trop Shibuyettes, autant ce soir-là, putain, une incitation au mariage toutes les 5 minutes...) il me dit que les 3 nanas qu'on va voir sont des danseuses du ventre. Moi, tu me dis "danseuses du ventre", je pense tout de suite bouffeuses de loukoum. Grave erreur. Les filles sont accompagnées par leur prof qui est keus' comme tout et elles-mêmes sont complètement baisables. Les 2 autres gars qui sont là, en revanche, je suis pas convaincu... J'espère qu'eux non plus ils sont pas là sérieusement.

4) Ça commence
Les garçons face aux filles, tout le monde se présente, échange de cartes de visite pour ceux qui en ont, réalisation que, finalement, que 3 meufs ça fait aussi que 3 prénoms à retenir, YES I !, et puis on entame la conversation par notre activité professionnelle, et ça c'est super cool parce que c'est le genre de conversation que j'adore écouter, alors que le temps qu'il fait ça va 5 minutes, quoi. Surtout qu'en ce moment, le temps... Malheureusement, quand t'es une jeune fille de 27 ans au Japon, t'as pas toujours des trucs passionnants à raconter sur ton boulot, le grand classique étant "事務", genre t'es à l'accueil, quoi. Évidemment, ça en impose moins que "directeur d'école" (il faut que je m'entraîne à le dire sans rigoler...), "web designer chez Areva" ou "game designer de Tekken" (je commence à avoir une putain de collection de potes dans le monde du JV...). L'astuce, du coup, c'est de les enchaîner sur la danse du ventre, en tout cas c'est ce que tu penses dans ta tête de mec qu'est habitué à partager sa passion à la limite du prosélytisme, mais non, quoi : les meufs elles sont même pas capables de te faire un peu rêver avec une activité qu'elles pratiquent jusqu'à 4 fois par semaine depuis 6 ans. WTF ?

Heureusement, mon pote MC est une brute absolue et il gère le flot de la conversation de façon à ce que tout le monde balance le plus naturellement du monde son âge, son type idéal de partenaire (une des nanas qui sort "je cherche un mec gentil", heureusement que je buvais pas à ce moment-là, putain, le jus d'orange par les narines c'est moyen agréable) et ses histoires persos.

5) Ça se poursuit
Une fois qu'on s'est présenté à peu près correctement et qu'on sait grosso-modo qui fait quoi et qui cherche quoi, vient le fameux moment de LA ROTATION !
Comme toujours au Japon, ça se décide à pierre-papier-ciseaux, et là on change de place pour se retrouver près d'un autre partenaire, histoire de ne plus être dans la configuration "entretien d'embauche", mais plutôt en mode "si y a une fille à côté de moi ça devient plus intime". Genre...
Malheureusement on commence à parler musique et là tout part en sucette : les filles qui n'écoutent que du raï, du ska et du reggae (because danse du ventre, ben oui, connard, t'as déjà essayé de trembloter du bide sur du Hirai Ken ?), un gars qui dit qu'avant il écoutait du ska mais qu'il est passé aux anisongs, et quand je lui demande ce qu'il entend exactement par là, il précise "genre les openings de K-ON", LE truc qui te grille direct avec toutes les femelles de la Terre.
Miss "je cherche un mec gentil" balance au passage quelques critères physiques et évidemment elle préfère un gars gentil qui soit avant tout mannequin. Je me disais aussi.
D'ailleurs, j'avais quand même demandé aux nanas ce que des bonnasses comme elles foutaient dans un gôkon et elles m'avaient répondu qu'elles venaient surtout pour rencontrer des gens nouveaux, ben oui, je me doutais bien que pour se faire sauter elles avaient pas besoin de rencontres organisées, tu penses.

Tout cela débouche donc sur le moment tant redouté où un peu tout le monde, pas forcément en même temps, se met à pianoter sur son portable... Et là je note que les gens ont leur téléphone à la main, mais qu'ils n'échangent pas leurs numéros... Je profite d'une sortie commune aux toilettes pour le faire remarquer à Jo-le-MC : ça sent le roussi. Il me demande s'il y a une nana qui me branche, je lui réponds que celle qui joue à Monster Hunter avec un katana (les Japonais disent "tachi" (太刀), je me fais baiser à chaque fois), c'est quand elle veut pour qu'on aille éventrer du Zinogre ensemble. Il me manque un morceau de Zinogre pour finir mon arc.

6) Ça se finit
On paie, tout le monde rentre chez soi, comme on prend la même ligne on discute entre mecs : ils sont pas convaincus, surtout K-ON boy. Ben putain ça tombe bien, parce que tu t'es TELLEMENT condamné, je m'en sors mieux avec des blagues de cul auprès de bonnes sœurs.

Sur le fond, les gôkon c'est sympa, pour peu que ce soit bien organisé. Tu manges bien, tu rencontres des gens, tu apprends des tas de trucs. J'ai juste un peu peur que tu te retrouves assez souvent à te présenter de cette façon formelle si propre aux entretiens d'embauche et qui est tellement artificielle. Quand t'es debout un verre à la main et que tu abordes une nana dans une soirée en lui demandant ce qu'elle fait dans la vie, c'est un peu moins scripté que quand t'es en rang d'oignons et que les gens balancent leur CV les uns après les autres.

jeudi 6 septembre 2012

La musique adoucit les mœurs.

Tu le sais, je suis pas seulement là pour te narguer avec mes soirées que si t'y étais pas tu regrettes toute ta vie, des fois j'ai aussi envie de te raconter des premières fois, et de temps en temps, même, de partager des trucs avec toi. L'eusses-tu cru ?

Ce soir il pleuvait et j'avais pas prévu. Donc en arrivant dans mon bled je passe direct dans la galerie marchande et me dirige vers le 100¥ Shop pour y dégoter un pébroque. Bon.

En sortant de là je passe devant un magasin de fringues duquel pulse toujours de la musique à fond les ballons, mais normalement j'ai des trucs encore plus forts dans mes oreilles, et pour gauler mon attention quand j'écoute ça, t'as intérêt à être au moins Kanno Shizuka et me regarder droit dans les yeux en faisant des trucs de ouf avec ta langue orochimaresque. Bon.

Sauf que ce soir j'avais pas encore remis mon casque et mes oreilles de musicien se font donc happer par de la PURE bonne zouze ! 
Dans ce cas, 2 solutions :

1) Si c'est une chanson, je reste 5 minutes à l'écouter, histoire de choper les paroles et après je vais chercher sur le net.
 
2) Si y a pas de paroles, j'agresse la première personne qui passe et je lui dis "Hey, mec, c'est quoi qu'on entend, là ?".

Nous étions dans le cas n°2, donc je rentre dans le magasin, je vois un vieux genre cinquante ans et j'engage le dialogue :
– Bonjour, c'est quoi la musique là ?
Sauf que Jo-l'employé, il a pas l'air jouasse de ma question et il me regarde avec son air de Yakuza :


– Quoi, qu'est-ce qu'il y a, avec la musique ?
– Non mais je demande juste si c'est vous qui la choisissez ou pas...
– Qu'est-ce que ça peut te foutre ?
– Ben euh.. Je voudrais savoir ce que c'est comme morceau...
– Faut voir avec le mec qui gère la musique...

Et là-dessus il s'enfonce dans le magasin, appelle un gars et lui demande. Moi je le suis, et le "gars", justement, c'est MARQUÉ sur sa gueule que c'est un mec comme moi, Jo-le-DJ, que si tu dois passer ta journée à écouter de la musique de magasin, autant faire ce qu'il faut pour pas écouter de la merde.
Du coup il me dit ce que c'est, je lui dis "toi, t'as pas des goûts de chiottes", on tape la discute et je vois Jo-le-Yakuza qui se détend et qui m'explique qu'en fait quand je lui ai demandé pour la musique il croyait que j'allais me plaindre, genre la musique est trop fort, ou quoi.

Dans une galerie marchande, c'est crédible, ça, comme scénario ? Un mec qui viendrait se plaindre parce qu'un magasin joue de la musique trop fort ou qu'il aime pas ? Dans un pays où les gens ils tolèrent d'habiter mitoyennement à une salle de pachinko ? Dans un pays où de toute façon tu vis en permanence entre la négation de l'isolation sonore et l'emphase de la signalisation du même type, que quand un camion met son cligno tout le quartier est au courant qu'il va tourner ?


En tout cas j'ai eu mon info, la musique qu'elle est trop bien, c'est ça.

samedi 1 septembre 2012

L'école du rire.


On me reproche ces derniers temps d'être resté complètement imperméable à l'influence de films dits "cultes", du "Père Noël est une ordure" à "La classe américaine" au simple motif que cette lacune cinématographique me rend incapable de saisir tout le sel des citations qui émaillent le médiocre discours des uns et des autres.

Me voilà donc étiqueté paria de l'humour de masse parce que je ne surenchéris pas lorsque vous parlez de "ouiche"...
Mes chéris, j'ai une mauvaise nouvelle pour vous : si "Le Père Noël est une ordure" a tant de succès dans les cours d'écoles, c'est qu'il fournit justement aux plus sous-développés de l'humour, les enfants, de quoi générer le rire.

Même gosse, je n'ai jamais ri à vos "petits doubitchous", à vos "c'est cela, oui" ou à vos éparpillements "façon puzzle". Parce que l'humour de citation est l'humour le plus pauvre qui soit et que le moindre calembour, aussi mauvais soit-il, relève de plus de créativité que la simple répétition d'une phrase de film.

Attention, je ne nie pas le paramètre de pertinence de la citation : il ne suffit pas de l'avoir en stock, encore faut-il la sortir fort à propos. Très bien.
Si une demoiselle me demande quel jour on se voit, il sera tout à fait pertinent de ma part de lui répondre que je lui laisse le choix dans la date. Parce qu'il s'agit de date, justement, et que c'est une femme. Applaudissez.
La contrepèterie, ce n'est pas à la portée du premier venu : cela exige une maîtrise et une appropriation de la langue. En clair : il y a celui qui, du tac au tac, produit la contrepèterie, et il y a ceux qui la répètent à l'envi, probablement après qu'on la leur aura expliquée.
A qui revient le mérite ? Quand je sors ma contrepèterie, même avec pertinence, suis-je drôle, suis-je original ? Mieux encore : suis-je drôle parce qu'original ?
Évidemment non. Je ne suis qu'un piètre pitre qui exploite le produit d'un tiers dans l'espoir de me faire mousser, mais le résultat est que j'affiche par l'utilisation même du plagiat la faiblesse de ma capacité de production originale, tel un Chinois de l'humour. Exactement comme ce skyblogueur qui avait pompé un de mes articles. Tu avais trouvé ça pathétique et tu avais eu raison. La citation de film, c'est du même tonneau. Créativité ZÉRO. Et j'en ai autant pour tous les non-comiques qui ne se lassent pas d'imiter ce petit bruit de succion de Dieudonné à la sortie de ses spectacles. Que lui le fasse, why not, c'est son gimmick, mais vous, non.

Je ne comprends pas comment on peut éprouver la moindre fierté à générer du rire avec une phrase éventuellement drôle qui n'est pas de soi. Tu as fait rire les gens mais ce n'est pas toi qui est drôle. Peut-on imaginer situation plus humiliante ? Le fait est que la citation de film comique cherche moins à produire le rire que la connivence.
Connivence dont je me passe fort bien.

Tel un ami métisse dont l'intelligence lui prodiguait la mauvaise foi nécessaire à la réfutation d'une supériorité physique et artistique des Noirs dans les danses africaines, je cherche moi aussi à me définir par ma production plutôt que par ma couleur de peau ou mes origines judaïques. Or, il y a un moment où il faut quand même un petit peu accepter qu'on ne se construit pas à partir de rien et avec rien, et que la culture est aussi quelque chose dont on hérite malgré soi. Et quand tu es élevé dans une culture imprégnée de phrases comme "au commencement était le verbe" et de l'omniprésence de la mère, eh ben il y a des chances pour que l'enfant que tu es se définisse aussi par rapport à cette mère, notamment par la position de soumission, soumission se traduisant dans mon cas par la maîtrise de la langue maternelle (je te laisse analyser les indicibles raisons de ton orthographe calamiteuse).
Ce n'est pas mieux ou moins bien qu'autre chose, et si tu veux savoir j'aurais préféré l'oreille absolue.

Le fait est que dès ma plus tendre et insignifiante enfance j'ai abhorré tes citations de merde et me suis concentré sur une production humoristique originale : je n'exagère pas en disant que tu passes certainement à côté de la subtilité de mes écrits si tu es du genre à lire ma prose plutôt qu'à l'entendre. C'est comme baiser tout le temps la lumière éteinte : ça peut être agréable, mais tu rates aussi des trucs.

Tu vas me dire : "Euh...OK. Mais c'est quoi le rapport avec le Japon ?"

Eh bien il m'arrive de rire de l'humour japonais. Or, beaucoup s'accordent sur le fait que l'humour japonais n'en est pas et que c'est pas drôle. Qu'est-ce qui me fait donc rire dans l'humour japonais ?

Eh bien c'est ce que j'appelle "l'ancre". Une ancre, c'est un pivot dans le discours qui te permet de rebondir. Évidemment, ce qui est drôle et fait la valeur de l'humour, c'est ce que tu construis à partir de cette ancre et comment tu le construis. C'est la base du manzai : à partir d'une même phrase chacun trouve une ancre (ボケ) éventuellement différente et construit sa vanne (突っ込み). C'est un phénomène tellement culturellement implanté qu'on le retrouve régulièrement en version vidéo : à partir d'un élément visuel on crée une vanne, la pertinence et la drôlerie étant inversement proportionnelles à l'évidence du signal visuel.
Je te donne un exemple : si tu vois quelqu'un les cheveux en bataille et que tu le vannes en disant "hé, on dirait que tu t'es coiffé avec un pétard ce matin, LOL ! ", c'est considéré comme une vanne, mais tu avoueras que passé 5 ans on ne peut pas considérer ça comme une vanne absolument hilarante. Pareil pour la fille qui a le nez rouge et que tu traites de clown, t'es pas allé chercher très loin.
Donc plus tu utilises un angle d'attaque inattendu et que tu lances ta vanne de loin (par exemple, j'affectionne le ボケ à partir d'une seule syllabe commune à 2 mots complètement différents pour me servir ensuite le 突っ込み adéquat en l'absence de gens intellectuellement suffisamment vifs pour me tacler comme je le mériterais), plus c'est drôle.
Par exemple :


Une grosse qui se gaufre entre deux matelas de sport, tu pratiques rapidement l'association grosse ⇒ cochon ⇒ tonkatsu + matelas ⇒ moelleux ⇒ pain = maisen, les sandwiches au tonkatsu.
Comme c'est la télévision et que c'est fait pour les abrutis, tu auras toujours une image en bas à gauche pour mieux visualiser, indispensable pour les grands classiques de cet humour qui consistent en références à des personnes ("oh tiens, tu tremblotes comme Mori Shin'Ichi, LOL !") plus ou moins célèbres et parfois déjà plus ou moins décédées, et puis des fois c'est même limite private joke.
Je ne te dis pas que j'explose de rire à chaque fois, mais ce qui me séduit profondément dans la démarche, c'est – on y revient toujours – le regard. Le détail que tu perçois et à partir duquel tu bases toute une réflexion que tu transcendes dans une vanne, avec le bon timing.

Tu comprendras donc que ne pas avoir vu "Les Bronzés" dans le simple but de pouvoir recevoir en clin d'œil les dialogues que tu t'es efforcé de retenir par cœur ne me traumatise pas et que le mépris que je porte à ce mode de communication est équivalent à l'affection que tu en conçois.
 
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