vendredi 8 juillet 2011

Psycho à 2 balles (avec du japonais dedans)...

Comme me le faisait remarquer la femme de ma vie il y a un mois, après moult déambulations dans un Paris nocturne et inondé (mais genre, paie ton Camel Trophy dès que tu veux traverser la rue ; c'était le 5 juin, tu peux vérifier la météo), sa main étreignant ma taille de guêpe et nos pas à l'unisson, les alliciantes petites pêches que découvrait son décolleté bien à l'abri sous mon parapluie qu'enviaient tous les badauds réfugiés sous les portes cochères comme des sans-papiers : "les Français, vous aimez bien râler et vous plaindre".

Détail qui a son importance : la demoiselle est Taïwanaise et, comme nous l'apprend la fine équipe du Chinois pour les Nuls page 76 : "En général, les Chinois détestent montrer des émotions négatives en public. La colère, la déception ou le désaccord sont totalement contre-indiqués".
Comme en plus elle vit au Japon depuis 10 ans, tu te doutes que sa première journée à Paris fut un choc culturel (à un moment, on va pour prendre le métro et la nana me demande : "où est-ce qu'on fait la queue ?". C'était charmant de japonité).

Je profite donc d'avoir dans les oreilles le genre de morceau qui me pousserait à écrire des nuits entières pour t'expliquer l'origine géographique de cette façon de penser si différente entre nos 2 pays et qui t'a déjà valu, j'en suis sûr, de bien nombreuses altercations avec ta copine, qui pourtant "n'est pas du tout comme ça".

Lorsque tu t'émerveilles de cette politesse de façade que les Japonais dispensent si généreusement aux touristes et si parcimonieusement à leurs compatriotes au travail, à l'école, voire au combini du coin quand grand-maman décide que sa vieille gueule fripée passe avant la tienne, l'explication fournie de toute cette harmonie (円滑, enkatsu) est rationnellement géographique : le Japon étant une île, si on fait pas tous un gros effort pour vivre ensemble dans la cordialité, ou bien ça va vite devenir le bordel, ou bien il faut qu'on envahisse la Chine.

Et, reconnaissons-le, il fait bon vivre au pays de l'harmonie.


Partant de cette hypothèse ma foi tout à fait plausible, que pouvons-nous dire des Français, si prompts à engager le débat et à récolter leur point Godwin le plus vite possible, affichant le plus grand mépris pour des proverbes de Bisounours, genre "tous les goûts sont dans la nature" (en japonais : 蓼食う虫も好き好き, que tu prononceras "sukizuki", parce que "suki suki", on dirait que t'as passé trop de temps à te faire laver le cerveau au rayon boucherie de ton supermarché) ?

Sérieusement, c'est quand la dernière fois que tu t'es retenu de cunt puncher la gauchiste qui voulait sauver sa face en disant que "tous les goûts sont dans la nature" alors que tu lui expliquais gentiment que Bénabar c'est de la merde ?

Bon, alors.

C'est que, géographiquement, la France est au carrefour de l'Europe et qu'à un moment, si tu veux pas que tout le monde vienne te marcher sur la gueule, il faut montrer un peu les dents.


Le Français a donc un besoin irrépressible de définir son identité en faisant valoir son opinion le plus fort possible, et si t'es pas d'accord, c'est forcément toi le con. Ce trait géographico-culturel est probablement le moteur d'un cercle vicieux engendrant la sophistique que l'on sait : je veux prouver que j'ai raison, donc il me faut des arguments. A partir de là, comment s'étonner de toute la littérature et de toute la philosophie qu'a vu naître le pays ? Descartes, Voltaire, Hugo, pas des mecs à qui tu viens expliquer la vie, ils ont toujours de quoi te faire fermer ta gueule.


Le Japonais insulaire recherche donc la conciliation ("天気がいいですね") et l'évitement du conflit, tandis que le Français identitaire essaie de faire valoir son opinion, d'afficher ses valeurs et ne trouvera rien de plus lâche et méprisable que ta non-participation à ses joutes rhétoriques, puisque te prouver qu'il pense, c'est te prouver qu'il est.
 
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