mercredi 22 septembre 2010

En vrai, mon quartier pue la défaite.


Je te l'ai déjà dit, je suis un shinobi. Le mec dont tu te souviens pas. Tu crois que c'est un avantage, mais en fait non. Je suis typiquement le gaijin que les Japonaises vont pas checker. Pas de gaijin power pour moi, je suis le gars fondu dans la masse.

On me demandait récemment de détailler les relations gaijin/Japonais. Je peux pas faire ça, je sais même pas à quoi ça ressemble. Les Japonais n'ont pas peur de moi, ne cherchent pas à esquiver ma conversation, me parlent spontanément en japonais.

Dernière aventure en date et nouvelle première fois, hier soir. Je réside à Shin-Imamiya, dans un hôtel super bien et pas cher (non, je te file pas l'adresse). Shin-Imamiya, c'est à 15 minutes à pied de DenDen Town, le Akihabara d'Ôsaka. Akihabara du pauvre, comme je vais te l'expliquer.

Quand tu te balades dans DenDen Town, – de son vrai nom Nipponbashi shôtengai – tu remarques des clochards dans leurs maisons de carton, par-ci par-là. Mais tu fais pas gaffe, tout absorbé que tu es par ta recherche du dernier jeu vidéo au meilleur prix.
Mais les clochards, ils sont pas là par hasard.

Si tu te balades assez tôt ou assez tard dans Shin-Imamiya, tu comprends quelle est la véritable population du quartier : des vieux, des estropiés, des vieux estropiés, des clodos, des vieux clodos estropiés. Une putain de Cour des miracles !
Et tu comprends pourquoi ton hôtel il est bien et pas cher : la plupart des hôtels du coin servent en fait à loger des travailleurs, pas des touristes (enfin le mien, si, mais si je voulais je pourrais loger pour 1000¥ par jour. Il se trouve que je préfère avoir une salle de bain dans ma piaule plutôt que d'adapter mes horaires de branlette à ceux d'ouverture du bain public. Sans blagues !).

Je rentrais donc hier soir du combini quand je me fais aborder par un vieux. Et le gars se pose pas la moindre question, il commence un 3615MALIFE en japonais comme si c'était la chose la plus naturelle du monde, pour me dire qu'il a des séjours réguliers à l'hôpital, qu'il a déjà réussi à réunir 90% de la somme, mais qu'il lui manque 3000¥, alors si je voulais bien...

Holà, stop papy, je t'arrête tout de suite : je suis déjà girigiri sur la thune et j'ai encore des sex toys et un Basara 3 à choper. Tu m'as pris pour le dandy du BTP, ou quoi ?

La seule raison pour laquelle j'ai écouté son histoire jusqu'à la moitié, c'est parce que j'étais en train de me demander si ce mec réalisait qu'il parlait à un étranger. Vous êtes marrants, les Japonais, vous m'abordez comme si j'étais votre voisin de palier du clan Fûma depuis des générations, mais quand je vous demande un taff vous me cassez les couilles avec un visa.

Sinon cette nuit, première fois de ma vie que je subis un orage juste au-dessus de ma tête, les flashs blancs qui transpercent les rideaux et tes paupières, puis le tonnerre qui s'écrase sur la planète moins d'une demi-seconde plus tard !

Mais ce matin on a perdu 10°C, je kiffe ma vie !

5 commentaires:

Anonyme a dit…

La relation gaijino nippone du mec qu'a su faire des efforts : tu parles la langue, tu te conformes aux us et tu ne semble plus polluer l'air de tes voisins de métro ; bravo, tu es maintenant Caspère le le shinobi fantôme sans papiers au pays de l'indifférence. Ah ces playboys du BTP...

Anonyme a dit…

Tenma, c'est pire encore.
M'est arrivé deux trois fois la même chose chez moi à Minami (Ichioka), sauf que j'avais l'avantage ENORME de ne pas piger un foutre mot de ce que ce petit vieux sympa me disait :)

Le médiocrité, ça peut aider.

Pavy a dit…

Pour un mec qui n'etait pas cense poster pendant un mois, tu fais fort :D tu devrais aller au Japon plus souvent RP ;)
Sinon pour le visa ... ouais je ne suis pas sur que tu trouveras un taff sans le sesame divin. Tu aurais plus de chance a Tokyo dans une boite etrangere qui sponsorise ... quoique avec la situation du marche de l'emploi il y a de la concurrence deja sur place :( bonne merde en tous cas!

Anonymoustapha a dit…

>Vous êtes marrants, les Japonais, vous m'abordez comme si j'étais votre voisin de palier du clan Fûma depuis des générations, mais quand je vous demande un taff vous me cassez les couilles avec un visa.

haha, ça résume tellement bien ce que je vis moi aussi, bravo. Pour eux, quand t'as un énorme sac-à-dos et des tongs, t'es qu'un objet du décors : le touriste occidental. Quand tu es habillé sobre avec une petite sacoche, t'es le salaryman blanc qui réside au japon depuis plus de 10 ans...

C'est fou comment les japs n'ont pas l'air très au courant de comment marche l'immigration dans leur propre pays. Quand je leur dis que je rentre au pays, ils font de gros yeux tout rond en me disant "ça te plait pas le japon ?!?". Si si mon gars, mais pour rester faudrait que j'épouse ta soeur, vu que pour trouver du taf le plus simple c'est le spouse visa (aucune démarche à faire de la part de l'employeur, que du bonheur). Tu me la présente ?

Zap Brannigan a dit…

Concernant les relations gaijino-nippone, on trouve 2 exceptions : les très jeunes et les très vieux.

1) Les moins de 16 ans vont spontanément vers les étrangers, car pour eux, gaijin = star qu'on voit à la télé. Ils ont pas encore intégré l'idée que les étrangers, c'est des fainéants menteurs et sans un rond en poche (bref, les bambins n'ont pas encore été briefés par leurs parents sur le sujet).

2) Les vieux ont une impressionnante capacité à parler pendant des heures, sans jamais se demander si l'interlocuteur écoute, ou même s'il comprend ce qui se dit. Donc ils s'en foutent qu'on soit un étranger ; pour eux, être humain doté d'oreilles = doudou à qui ils peuvent raconter leur vie.

Bref, tout ça pour dire qu'à propos des relations gaijin / Japonais, ils faut parler des 16 - 60 ans pour pas être hors sujet. Car les jeunes sont pas encore pleinement dans le système, et les vieux en sont sortis : ils ont déjà un pied dans la tombe, et l'autre dans des limbes sociologiques qui transcendent les frontières...

 
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