
J'étais donc à Tôkyô en octobre dernier, en compagnie de mon fidèle Tarô et d'une amie commune, Akiko.
Akiko vivant sur place, elle se charge de nous faire visiter quelques magasins dont nous n'aurions pu soupçonner l'existence (nous, hein, en dehors de Sofmap et Book-off...).
Et puis après nous avoir un peu baladés, elle nous dit : "tiens, il y a un magasin, là, au sous-sol, je vous préviens, c'est vraiment malsain. Mais je vous laisse voir par vous-mêmes" (vous noterez l'incitation, pour ne pas dire l'invitation...).
Voilà qui pique notre curiosité ; la dernière fois que Télérama parlait de l'aspect malsain de la culture japonaise, ça concernait Dragon Ball Z et Ken le survivant.
Mais Tarô et moi, on n'a pas fait la fac pour rien : la culture japonaise, on connaît.
Nous descendons donc dans l'antre du Mal pour y trouver – surprise ! – des vitrines et étagères pleines de dôjinshi à base de personnages de jeux vidéos, ainsi que quelques œuvres dédiées aux viols de gamines par des monstres à tentacules.
Ouais. La routine, quoi.
Nous ressortons finalement assez étonnés et faisons part de notre déception à Akiko : qu'y avait-il donc de malsain dans tout cela ?
Devant notre description, Akiko comprend que nous ne sommes pas allés dans le bon magasin (ah, vous voyez : elle aussi elle trouve que le viol par tentacules c'est normal) et nous guide alors à travers moult couloirs, pour nous indiquer finalement une petite boutique : "c'est là, je vous attends à la surface".
Ah oui. Effectivement. C'est bien là.
C'est même tellement là que j'ai pris une photo, de peur que vous ne me croyiez pas (vous pouvez cliquer sans crainte, rien de techniquement choquant au premier coup d'œil).
Nous sommes donc dans un magasin spécialisé dans les DVDs d'exposition d'enfants entre 4 et 12-13 ans. Pas de nudité, encore moins de sexe, donc techniquement pas de la pornographie infantile (lien complètement safe également, vous me prenez pour qui ?).
D'ailleurs la déco est plutôt bon enfant (no pun intended, comme on dit) : les petites stars posent en tenues d'écolières sur un pan de mur (échelle 1:1), elles ont même signé à côté de leurs photos respectives, fait des dessins, tout ça.
Au milieu du magasin, une bonne dizaine de milliers de DVDs, avec des gamines prébubères en maillot de bain, les jambes écartées, en train de lécher une glace, de sucer une sucette, le maillot de bain blanc devenu transparent avec la flotte, bref : toutes les déclinaisons possibles du genre suggestif.
Vous voudrez bien m'excuser de n'avoir pas procédé à l'étude détaillée des différentes catégories, nous étions assez pressés de sortir après avoir commis le cliché présenté plus haut.
Lorsqu'Akiko nous demande ce que nous avons pensé du magasin, je lui lâche : "on ne peut pas défendre le Japon tout le temps".
Parce que le problème, c'est évidemment pas le magasin, ni les DVDs, ni les gamines.
Les gamines, on voit bien qu'elles ne pensent pas à mal et qu'elles sont ravies de faire des sourires comme devant l'objectif de papa-maman, de s'entendre dire qu'elles sont très mignonnes et qu'elles ont beaucoup de talent, le tout assorti d'une rémunération et du statut d'idol, histoire de faire la maligne en classe.
Les DVDs, le producteur, le réalisateur, ils font leur taff. Y a un marché, une demande, donc il y a du boulot. Ils font ce boulot. Je trouve pas ça plus sale qu'un député qui pique dans la caisse (et arrête de me dire que les pédophiles il faudrait tous les tuer : aux dernières nouvelles on m'a jamais demandé de voter pour qu'un mec soit pédo. Je préfère un mec qui a du pathos à un gars qui me chie sciemment dans la bouche en abusant des responsabilités que je lui ai confiées, le tout en vivant avec l'argent que je travaille pour gagner).
Je ne crois pas non plus à la thèse du DVD qui provoque l'acte, puisque la pédophilie est avérée dans des pays où ce marché n'existe pas (Japon 1 - reste du monde 0).
En fait, mon indifférence sur le matériau vient du fait qu'il y a longtemps que je ne crois plus à une société responsable. La société ne veut plus de héros, de modèles. La société ne croit plus à la morale, la société croit à l'argent.
Ça te plaît, ça te plaît pas, c'est pas la question : c'est comme ça.
En revanche, je crois à la responsabilité de l'individu. Notamment du parent.
Parce que les parents, eux, sont évidemment au courant du type de vidéos que font leurs gamines. Même si on sait très bien que leur psyché occulte le fait que, in fine, il y a des mecs d'un certain âge qui se masturbent devant la vidéo de leur gosse en maillot de bain les cuisses écartées et le regard gourmand (un peu comme toi tu occultes les mecs qui fabriquent la bouffe de ton traiteur Chinois sur la cuvette des chiottes, pour faire le gars scandalisé une fois par an devant un reportage télé qui te fera jurer que plus jamais tu n'entreras dans un restau chinois... jusqu'à la semaine suivante), ils ont évidemment un DVD à la maison, sans doute même qu'ils le montrent fièrement à leurs voisins.
Donc ils savent dans quelles tenues et dans quelles positions leur enfant s'exhibe.
Il s'agirait d'une colonne de 10 DVDs dans un magasin de porn, je dirais : "pourquoi pas ?".
Sur 120 millions d'habitants, tu peux pas empêcher tout le monde d'avoir du pathos et, après tout, chacun ses vices. On serait dans le très minoritaire. La minorité des gens bizarres qui font du business bizarre pour d'autres gens bizarres.
Mais là, non.
Le fait qu'il y ait des dizaines de milliers de DVDs dispos, ça veut forcément dire qu'il y a des dizaines de milliers de parents qui cautionnent complètement leurs gosses comme chair à pédo.
Ça, ça me dérange.