Allégorie du moment |
Voilà maintenant 2 semaines que je suis sans nouvelles de Valkyrie, son dernier message m'expliquant qu'elle ne pouvait plus discuter de ses problèmes sans fondre en larmes, plus dormir sans médicaments, plus penser clairement.
Ses problèmes sont d'ordre professionnel, parce que quand tu bosses correctement, tu te rends rapidement compte que tu es souvent le seul, et que les gens qui ont le pouvoir de t'aider ne le font qu'à contrecœur si jamais ça leur demande le moindre effort. Parce que l'égalité à la japonaise, c'est quand tout le monde est perdant.
Je l'ai déjà évoqué, mais il est temps désormais de mettre les choses au clair :
Le karôshi (過労死) n'existe pas.
Les gens ne meurent pas de trop travailler et de ne pas assez dormir, comme nous le démontrent tous les jours les pays du Tiers-monde, où les pauvres travaillent effectivement trop et ne dorment pas assez, mais ont le bon goût de rester en vie pour continuer à fabriquer nos baskets et nos iPhones.
Mais "travailler", au Japon, c'est positif, donc on garde ce côté "il s'est sacrifié pour l'entreprise" et on met une belle étiquette "karôshi" qui a l'avantage d'élever le mérite des sacrifiés et de laisser tranquille les coupables.
Le karôshi, donc, n'est qu'une invention lexicale, un concept, un slogan. Pas une réalité.
Ce qui existe, en revanche, c'est la dépression. Mais un peu comme l'homosexualité en Iran, il n'y en a pas au Japon, ça se saurait. Parce qu'au Japon, personne n'a de problème psychologiques, tu penses. Tout au plus un caractère difficile lié à son groupe sanguin. Pour traiter un problème, il faut d'abord l'identifier et ça, au Japon, on sait pas faire, surtout quand ça concerne notre race supérieure, donc bien évidemment on n'est pas du tout alcooliques, on n'a pas le SIDA, et on n'a pas besoin de psys, merci bien.
Mais "travailler", au Japon, c'est positif, donc on garde ce côté "il s'est sacrifié pour l'entreprise" et on met une belle étiquette "karôshi" qui a l'avantage d'élever le mérite des sacrifiés et de laisser tranquille les coupables.
Allégorie du moment, bis |
Le karôshi, donc, n'est qu'une invention lexicale, un concept, un slogan. Pas une réalité.
Ce qui existe, en revanche, c'est la dépression. Mais un peu comme l'homosexualité en Iran, il n'y en a pas au Japon, ça se saurait. Parce qu'au Japon, personne n'a de problème psychologiques, tu penses. Tout au plus un caractère difficile lié à son groupe sanguin. Pour traiter un problème, il faut d'abord l'identifier et ça, au Japon, on sait pas faire, surtout quand ça concerne notre race supérieure, donc bien évidemment on n'est pas du tout alcooliques, on n'a pas le SIDA, et on n'a pas besoin de psys, merci bien.
Alors on garde Tarô à la maison, cloîtré dans sa chambre parce qu'on a honte et qu'on veut pas que les voisins le voient et posent des questions sur notre ménage parfait, jusqu'au jour où il massacre toute la famille. Et on prend sur soi, jusqu'à la mort.
J'espère ne pas être le témoin d'une nouvelle victime.
J'espère ne pas être le témoin d'une nouvelle victime.
13 commentaires:
Toujours un plaisir à te lire Robert.
La quasi-totalité des pays anglo-saxons ne font même pas appel à la consultation ou aux psys en cas de dépression, ils se contentent de faire avaler des pilules - on trouve ainsi des pays paradisiaques anciens membres du Commonwealth comme la Nouvelle Zélande où les taux de suicide chez les jeunes sont dingos car on n'a rien à leur proposer en dehors de petits cachets.
Ce qui surprend en te lisant, c'est que le Japon ne passe même pas par le Xanax - ils prétendent carrément que ça n'existe pas ? Autant on peut mettre l'ignorance du SIDA sur le manque d'éducation sexuelle (la même lacune qui cause un nombre délirant d'anglaises mineures enceintes), et donc là c'est idem ?
Aussi, je crois que c'est la première fois que tu nous parles de Valkyrie. Même si elle ne peut pas parler, tu ne peux donc pas briser ce cycle infernal avec ton bonus de gaijin ?
Merci pour cet article concis et très intéressant. On a toujours l'impression de pénétrer dans les coulisses, là où la plupart des médias s'arrêtent à la façade avec complaisance.
En te lisant on a le sentiment que la faiblesse, qu'elle soit constante ou passagère, n'est pas acceptée au Japon, ou plutôt que l'on a interdiction de la dévoiler sous peine de devenir une proie.
Pour Valkyrie, en un sens la réponse est dans ta conclusion. On peut prendre sur soi et espérer que ça se termine bien, ou agir.
Pour avoir vécu une expérience similaire, les personnes en dépression refusent toujours de l'aide au début, comme si le déni de la maladie allait la faire s'évaporer.
Dans tous les cas, j'espère un dénouement heureux à cette histoire. :)
@Raton-Laveur : Pour les maladies mentales, quand ta culture c'est la communication en mode passif-agressif et l'abus de pouvoir systématique sur des proies offertes sur un plateau (le système senpai/kôhai), tu comprends bien que le terme "maladie mentale" est déjà difficile à définir sans vexer tout le monde. Par ailleurs, la culture japonaise c'est aussi et surtout l'acceptation des problèmes sans chercher à les régler, et la honte, partout, toujours, pour tout et n'importe quoi. Donc ta maladie, tu cherches pas à la faire soigner, tu la caches.
Pour Valkyrie, nous ne sommes pas dans une relation suffisamment intime pour que je puisse débarquer chez elle prendre de ses nouvelles en direct. Mais je me demande si je vais pas faire ça quand même, vu que ma culture à moi, c'est pas l'acceptation...
@Monzaemon : Oui, la faiblesse donne lieu à une prédation allant de soi, c'est pour ça que les Japonais ne prêtent jamais d'argent, car ils savent que dire oui une fois, c'est être amené à dire oui tout le temps. Même chose pour les excuses : celui qui s'est excusé une fois, on s'attend à ce qu'il s'excuse tout le temps, donc voilà un bouc émissaire tout trouvé. C'est pour ça que les Japonais qui winnent sont les gros fils de pute qui s'excusent pas et envoient chier la bienséance.
comme partout
etre bien né aide..en tout cas pour se prévoir d'être une victime au japon...
le reste.. du prolo + avec un territoire timbre poste et 2 X plus d habitants que la France
tu m'étonnes que la névrose règne et qu'il faut de l amusement pour pas que ça pète...
cela dit, pas à me plaindre pour une certaine raison :)
merci robert tu m as manqué mais article trop court et private joke? (pour tes connaissances?)
a+
le FAN de JAV
Salut, comme d’habitude soit tu écris des grosses conneries soit tu enfonces des portes ouvertes !
Bien sûr que le karōshi existe ! Des employés meurent des conséquences de l’épuisement, directement ou non, c’est factuel et vérifiable. Tu y vois de l’idéologie alors qu’il n’y en a pas, cite-moi une entreprise qui ait essayé de valoriser la mort d’un de ses employés, ou un article de presse glorifiant ça.
Ce qui n’empeche pas l’existence de la dépression, certes stigmatisée socialement mais pas non plus niée en bloc comme tu l’écris ; as-tu remarqué le nombre de メンタルクリニック dans les grandes villes ?
Après je suis d’accord avec toi sur le fond mais paie ton lieu commun.
@Anonyme : Oh, bien la team premier degré ! Tu t'es cru sur le Wikipédia du Japon ?
Rhétorique soralienne, et tout : "c'est factuel et vérifiable", ben voyons. Genre il a travaillé 200 heures et il est mort DONC il est mort d'avoir trop travaillé. T'es une putain de lumière, toi. Tu me feras alors le plaisir de m'expliquer pourquoi les mecs qui bossent dans la restauration 7/7 et qui dorment 2 heures par nuit n'en meurent pas et pourquoi les collégiens harcelés qui travaillent pas tant que ça se suicident... Ah ouais, peut-être que l'environnement joue...
Les mental clinic ? Génial ! Qui les fréquentent ? Les vieux qui se sentent seuls ? Les mêmes qui pullulent dans les hôpitaux et qui font que ton urgence elle va attendre parce qu'ils ont un rhume et qu'ils se font chier à la maison ? En tout cas, dans la série "vérifiable", tu me montreras des salaryman dépressifs qui vont dans des mental clinics au lieu de se baffrer des boissons énergisantes. La raison pour laquelle ils n'y vont pas, c'est que les conditions de travail stressantes, le harcèlement, tout ça est institutionnalisé : c'est la norme, donc si tout est normal, de quoi est-ce qu'on irait bien se faire soigner ? C'est le même problème pour les meufs qui passent pour des princesses quand elles signalent du harcèlement au boulot : les mecs le voient comme une demande de traitement spécial, tellement ils sont habitués à se faire traiter comme des merdes.
Oh putain le niveau de ce blog. Jean Socio en commentaire qui joute avec Robert Mauvaise Foi. #TeamPrixNobel
Vous puez du cul les gamergaters !
Le Japon, quel pays de merde !
J'y ai mis les pieds une fois ça m'a suffit et c'est pas Fukushima ou l'explosion du tourisme qui vont me faire changer d'avis.
J'avais écris quelques lignes que j'ai effacé, je me suis dit que c'était trop violent et cynique. Gratuit aussi.
Je suis un troll mais un gentil.
Joues-tu aux jésuites vidéo ?
Mustapha LA QUICHE
Un nouveau billet ça fait toujours plaisir. Sur ce sujet, j'ai un jap dans ma résidence qui a dit texto que sa meuf officielle (que j'ai d'ailleurs vu aujourd'hui) souffre de dépression. Bon il parle bien anglais et est sorti plus que 5 min de l'archipel du JAV, mais ça montre que quand on veut se rendre compte des problèmes on peut. Evidemment, au niveau sociétal, où faire comme on a toujours fait est hérigé en vertu de civilisation, ça risque de prendre encore quelques siècles...
la sodomie est le meilleur antidépresseur que je connaisse.
Et ça n'engage à rien !!
Mustapha la quiche
Late to the party, but...
J'ai un paquet d'exemple de personne que je connais qui sont en arrêt maladie pour dépression ET payés.
Pour donner un exemple, un pote jap qui bosse pour la logistique d'une chaîne d'Izakaya, en soit le boulot était routinier mais parfois ça pouvait être la guerre, si un restaurant était en rupture de Karaage fallait trouver une solution, et c'est rarement a 15h que t'es en manque de Karaage.
Donc le mec part en dépression, commence a utiliser tous ses jours de vacances, puis de refresh, puis se met a mi-temps, puis finalement se voit offrir de rester chez lui, payé. Tout ça, car il a un mot du médecin.
Finalement, il démissionne, touche le chômage et de l'argent pour une formation. En ce moment, il apprend a coder et faire des sites webs...
Et je pourrais te citer des cas chez Aeon (pourtant censé être une "black company"), dans le juridique, dans l'automobile, dans l'assurance.
Alors oui, effectivement pas trop de séance de psy, ni trop de pilules, mais clairement, la maladie est identifié, et les boites font en général ce qu'elles peuvent pour aider, i.e. aménagé le temps de travail.
Lecture passionnante. Merci !
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