Je sais qu'on te pourrit avec les "grandes universités japonaises", que les mecs de la Tôdai sont soi-disant des putain de cerveaux mais, en vrai, l'université japonaise est un mythe.
Il n'y a pas d'universités au Japon.
La preuve, tu auras remarqué que dans les anime, l'université n'existe pas : sitôt qu'un personnage entre à l'université, il s'auto-détruit et on n'en entend plus jamais parler. Dans Clannad, l'astuce est donc limpide : le héros est un cancre et il abandonne ses études après le lycée pour entrer directement dans la vie active. Ah ah, comme c'est bien trouvé.
Pas étonnant que personne n'entre dans ces grandes universités, puisqu'elles n'existent pas ! D'ailleurs, c'est plutôt rassurant, parce que vu la taille du complot, on peut complètement supposer que ces "universités" soient du genre "The Island" ou "Soleil Vert", tu vois, genre depuis que ton meilleur ami est entré à l'université il ne donne plus de nouvelles (il a tellement de travail) et les sushi de ton combini sont devenus bien meilleurs...
Mais revenons à nos lycéens.
J'aime cette vie écolière par procuration et comme je ne suis sans doute pas le seul, nous allons essayer d'analyser la situation :
1) Tout est bien qui finit bien. Si j'étais un écolier japonais, peut-être que j'aurais une vie complètement dégueulasse, que je me ferais tabasser tous les jours et que je finirais par me suicider en avalant des poches de silicone (France2 m'a dit que ça arrivait...), mais dans les anime, rien de tout ça : les gens sont tous gentils et serviables, le héros a forcément au moins 2 nanas à ses basques et les méchants bizuteurs rentrent dans le rang pleins de remords ou subissent la loi du karma.
Bref, être lycéen dans un anime, c'est que du bonheur. Jamais tu vas en juku, jamais tu foires tes exams, jamais tes vieux te font chier, ou si ça arrive, tout cela est sans conséquences. Fais-moi rêver.
2) Le rapport à l'école est différent de celui que nous connaissons en France. Un aspect non-négligeable de la force motrice de ces anime est le rapport à l'école en tant qu'institution et symbole d'appartenance.
Par exemple, l'uniforme. Quand je vois des gamins dans la rue, je sais pas forcément à quelle école ils vont. Au Japon, si. Chaque école a ses couleurs et quand tu vois des ados en uniforme, tu peux les rattacher à une école sans même les connaître. Est-ce que tu piges le système : avant d'être toi-même, tu es "membre de". On te définit d'abord par ton appartenance à un établissement scolaire plutôt que par n'importe quoi de personnel. C'est pourquoi le personnage du rebelle ou du voyou porte toujours une coupe ou une couleur de cheveux singulière et détourne l'uniforme de sa fonction première, "uniformiser", en gardant sa veste ouverte par exemple. Chercher à affirmer ton identité fait de toi une forte tête et donc potentiellement quelqu'un de dangereux (pour la société).
Ce rapport est amplifié avec le phénomène des clubs, auxquels il est fortement recommandé de s'inscrire et qui constituent une deuxième vie, puisqu'ils monopolisent toutes tes soirées (entraînement), tes week-ends (tournoi) et même tes vacances (camp d'entraînement).
Là encore, tu ne vas pas pour défendre tes capacités personnelles mais pour représenter ton établissement. Tu n'es qu'un rouage de la machine et c'est bien pour ça qu'on te met autant la pression : l'enjeu de ta performance dépasse ta petite personne, c'est la réputation de ton établissement que tu défends, avec toute son histoire (pas trop lourd à porter, hein...).
Heureusement, dans les anime, ou tu gagnes et tu deviens un héros, ou tu perds et tu passes à la phase 2 : faire mieux la prochaine fois. La victoire, ce n'est pas japonais ("la noblesse de l'échec", tout ça...). Ce qui est japonais, c'est de faire de ton mieux et d'aller au-delà de toi-même pour une cause juste puisque institutionnelle (l'individu disparaît, l'institution est éternelle). La logique étant la suivante : c'est parce que tu défendais ton école que tu as pu aller au-delà de toi-même. Donc même si tu es un surdoué, que tu as fait une perf' de super-héros, tout le mérite en revient à l'école, qui a su si bien développer ton talent et te montrer la voie à suivre pour que tu puisses t'épanouir pleinement.
Ça t'apprendra un peu la modestie.
On passe là de l'univers macrocosmique (défense de ton école au niveau régional et national) à l'univers microcosmique (défense de ta classe contre les autres classes du même établissement).
Tout ceci a pour but de renforcer la cohésion de groupe, les préparatifs étant réalisés par les élèves.
Au cœur de ce microcosme, le professeur principal, qui a un rôle un peu plus important que celui que nous connaissons en France : le prof principal, c'est pas seulement celui que tu vois le plus souvent, il peut te convoquer personnellement, te pourrir la vie ou te mettre sur la voie de la réussite. II participe au groupe au même titre que les élèves et se rapproche de ce que tu as pu connaître en primaire.
Bien entendu, tes années scolaires sont encadrées par une cérémonie d'ouverture pendant laquelle tu te fais chier, et une cérémonie de clôture pendant laquelle tu chiales comme une madeleine.
Ajoute les quelques touches d'exotisme (les casiers à chaussures, pour mettre des punaises ou déposer des lettres enflammées), de la musique (ah ouais, ça c'est un truc, dans la vraie vie t'as rarement des BGM), une petite dose d'improbable, et tu obtiens un package à succès.