mercredi 23 octobre 2013

Des évidences.


Hier, soirée "internationale" privée.
Tu vas me dire : "qu'est-ce qu'une soirée internationale privée ?".
Ben c'est comme les soirées internationales organisées avec force publicité sur le net, les réseaux sociaux et frais d'entrée parce que résa de la salle et tout, mais là sans frais d'entrée, décidée par 2 nanas et avec tous les aléas des soirées privées japonaises, c'est-à-dire que 50% des gens te foutent un dotakyan (= annulation de dernière minute) dans ta gueule le jour même, avec toujours les mêmes excuses flaguées depuis longtemps, que tu te demandes encore à quoi elles servent et comment ceux qui les utilisent font pour se regarder dans une glace le matin.

Du coup, nous étions quatre : 2 Japonaises, 1 Français et 1 Américain. Plus cliché, tu meurs.

C'était la deuxième fois que je voyais la demoiselle qui m'invitait, homonyme d'une célèbre actrice mielleuse, et donc aussi l'occasion d'en savoir plus sur sa situation.

La trentaine. Un job. Habite encore chez ses parents.

Et là, tu sais ce que j'en pense : juste non.
Tu vas me dire "MAIS POURQUOI ?", surtout si tu es Japonaise ou étudiant.

Parce qu'en dehors du fait que ça va m'être bien difficile de te démonter chez toi sans réveiller tout le quartier tes parents, tous les psys te confirmeront qu'habiter dans son propre appartement est une étape essentielle dans la vie d'adulte. En effet, ne plus habiter chez ses parents crée dans ton cerveau la case "payer ses factures".

Payer ses factures, ça veut dire sacrifier une partie de tes revenus à ton bien-être et sortir de ce monde littéralement "magique" où la lumière s'allume parce que tu appuies sur un bouton, où l'eau chaude coule parce que tu tournes un robinet, où le repas arrive tout chaud et cuisiné sur la table, pour entrer dans le monde des adultes et du sacrifice, où toutes ces commodités se révèlent enfin sous leur vraie nature : tu as de l'eau chaude parce que tu paies ton gaz, de la lumière parce que tu paies ton électricité, un toit parce que tu paies un loyer.
Un monde dans lequel tu ne disposes plus de l'intégralité de ton salaire pour acheter des sacs et des chaussures, un monde dans lequel tu n'as pas que des droits et des envies, mais aussi des devoirs et des contraintes.

Si tu habites chez tes parents, tu vis encore dans ce monde magique où perdre son travail ne signifie pas être immédiatement à la rue, et surtout où ta solitude est un luxe et non une norme que tu tenteras d'enrayer à base de télévision allumée "pour la présence", voire, dans le meilleur des cas, par un animal de compagnie, le choix d'icelui révélateur de ta tolérance à toi-même.

Bref, tu es encore une enfant, et les enfants, c'est irresponsable et capricieux.

Alors c'est non.

vendredi 11 octobre 2013

L'art délicat de la traduction.


Je suis donc plongé en ce moment dans le dernier album de Perfume, le découvrant morceau après morceau, à ma manière, c'est-à-dire en écoutant en boucle chaque chanson jusqu'à user le disque dur de mon lecteur mp3.

J'y suis entré par le canonique "Clockwork", puis j'ai dérivé sur "ふりかえるといるよ" et sa production sublime, le long "Party Maker" et ses rythmes alternants, pour enfin succomber au single auquel j'avais miraculeusement échappé jusqu'à présent : "Spring of Life".

Et là, le choc : ils nous refont le même coup que PONPONPON, à mettre du cul juste sous ton nez, mais avec suffisamment de malice pour que le Japonais de base tombe dans le panneau. Oh, ce culot !

Je m'en vais donc te traduire la chanson, mais non sans t'avertir que la version album est TELLEMENT inspirée – jusqu'aux moindres effets – de la piste "Madness" de l'OST de Einhänder, c'est juste scandaleux de pompe. Oreille absolue, oui ou merde ?

La traduction, donc, c'est un art. Ça veut dire que le produit que te présente un traducteur, c'est pas du Google trad', tu vois : on prend pas un texte mot par mot, on regarde d'abord le sens général, et puis après on adapte chaque phrase pour qu'elle colle au sens global et que tout soit cohérent, quitte à changer des structures par-ci par-là. Mais je vais t'expliquer ça au fur et à mesure.

1) Tu croyais que si, mais en fait non.

"Spring of Life", c'est une chanson toute gaie qui évoque le printemps, serait-on tentés de croire, d'autant qu'ici et là sont glissées des références comme 南風 (Minamikaze), ce vent du sud qui souffle entre avril et août, et qui vient corroborer la période.

Oui, mais non, en fait.

Si tu veux me parler d'une chanson toute gaie du printemps, qu'est-ce que c'est que ces messages subliminaux qui parlent de nana qui "se met à pleurer miraculeusement" ? Qui "'convulse de joie" ? Tu nous a pris pour des puceaux, ou quoi ?

C'est oublier que nous, les Français, on a déjà eu France Gall et ses "sucettes", nous sommes donc particulièrement sensibles à ce que les Anglo-saxons appellent le "double entendre".


2) Le texte, rien que le texte !

Premier couplet :
スケジュールは 埋まっていても
Même si mon emploi du temps est blindé
思い出は空白のままで 
Mes souvenirs restent un néant
結局はそう
Comme tu le dis
自分次第だし
Tout ne dépend finalement que de moi
サプライズを待っていてもしょうがないから
Et attendre une surprise ne sert de rien

Interprétation : oscillant entre la coke et le shabushabu, nos trois coquines passent d'un plateau de télé à une scène de concert, dorment tout le lendemain et remettent ça, car telle est l'implacable vie des idols aux jambes interminables. Les semaines et les mois s'enchaînent sans laisser de traces dans leurs cerveaux délavés et, à un moment, l'inexorable besoin de se faire démonter et remplir se fait sentir. Si tu es le mec qui arrive à ce moment-là, bingo !

Premier refrain :
そう Spring of Life 弾けるような恋をしようよ
Baisons jusqu'à faire jaillir cette source de vie
Spring up Speed up
Bande et magne-toi
Dance for Joy 弾けるリズム
De ce rythme qui engendre cette danse pour la jouissance
震えるほどに心躍らせたいの
Fais battre mon cœur jusqu'à me faire convulser
始めようよ
Prends-moi maintenant !
Spring up Speed up
Bande et magne-toi
恋しようよ
Baise-moi !

Interprétation : ici, l'interprétation peut sembler dévier totalement du sens original, mais il n'en est rien. Le terme "spring of life", "source de vie" est évidemment à rapprocher de la fontaine de jouvence (les termes "wellspring of life" et "fountain of youth" sont souvent associés), et rien ne vieillit plus une femme que d'être délaissée, tandis qu'être désirée et honorée quotidiennement lui assure jeunesse et poil lustré, comme te le confirmera ma cop's Liz Phair. Cette "source de vie" est donc à prendre au sens séminal. Et d'un.
Le verbe "hajikeru" renvoie bien naturellement à ce qui "jaillit" ou "sourd", je te fais pas un dessin, et les nombreuses injonctions "koi shiyô", "hajimeyô", "spring up speed up" vont également dans le sens que tu sais. On allait quand même pas faire dire à Perfume "Sex shiyô", mais tu sais qu'elles demandaient déjà qu'on les prenne dans le merveilleux "Take me Take me" (tu noteras l'usage de l'anglais dès qu'il s'agit de faire passer quelque chose qui veut dire plus que ce qui est dit), c'est pourquoi j'ai utilisé "prends-moi" ici au lieu d'un très banal "allons-y !", plus littéral mais chiant comme la mort.

Tu noteras également les aménagements sur "kokoro wo odorasetai", qui sonnerait horriblement lourd ("je voudrais faire s'emballer mon cœur", AU.SECOURS !) traduit littéralement.
Encore une fois, la phrase "baisons jusqu'à faire jaillir la source de vie" (littéralement : "jusqu'à ce que la source de vie jaillisse", 弾ける étant intransitif, d'où l'usage de "yô na" après) est complètement inattaquable : si tu vois autre chose que ça, t'as un problème ET avec ta vie sociale ET avec le japonais.

Deuxième couplet :
なんにもないはずはないのに
Ce néant en moi n'a pas de raison d'être
もの足りない

Et pourtant je ressens un manque
気持ちのせい
Au niveau des sentiments
ねえ 結局はそう

Finalement, en effet,
自分次第だし

Tout ne dépend que de moi
南風を待ってても変わらない

Rester à attendre le vent du Sud n'y changera rien

Interprétation : rien de spécial dans ce couplet, qui reprend simplement la thématique du couplet précédent : le vide intérieur, au propre (= désir d'être remplie), comme au figuré (= vide intellectuel et sentimental en raison d'une vie qui défile trop vite).

Deuxième refrain :
そう Spring of Life 弾けるような恋をしようよ
Baisons jusqu'à faire jaillir cette source de vie
Spring up Speed up 
Bande et magne-toi
Dance for Joy こぼれる涙
Cette danse pour la jouissance et ces larmes qui

それは突然始まる奇跡に
Se mettent soudain à couler miraculeusement

Jump for Joy 弾けるような恋をしようよ
Baisons jusqu'à provoquer ces sursauts de jouissance

Spring up Speed up
Bande et magne-toi
Dance for Joy 弾けるリズム
De ce rythme qui engendre cette danse pour la jouissance
震えるほどに心躍らせたいの
Fais battre mon cœur jusqu'à me faire convulser
始めようよ
Prends-moi maintenant !
Spring up Speed up
Bande et magne-toi
恋しようよ
Baise-moi !

Interprétation : bon, là on en rajoute une couche pour enfoncer le clou et faire en sorte que plus aucun doute ne soit permis : je veux dire, "koboreru namida, sore ha totsuzen hajimaru, kiseki ni", mais elle est où, là, ta chanson sur le printemps ? C'est tes draps, qui sentent le printemps, ouais !

Voilà, maintenant tu sais ce qu'il y a à savoir sur cette chanson de Perfume. Et pour ceux qui se demandent si elles savent ce qu'elles chantent, je te rappelle qu'on parle du Japon.
On s'est bien compris.

mercredi 2 octobre 2013

L'homme invisible.


J'ai tout vu, j'ai tout vu.
Toi, bien sûr, tu ne savais pas
Que j'étais là.
Insignifiant, ignoré, raillé
Tout est stratégie pour m'infiltrer.

Invité par des potes DJ, si invisible,
Que je rentre sans payer.
J'étais à côté de toi, tu ne m'as pas vu
Quand tu as enlacé ton meilleur ami,
Celui qui a déjà un petit cul
De 20 ans qui l'attend chez lui,
Qui chauffe quatre meufs
Et en dévore une et demie.


J'étais là, tu ne m'as pas vu
Quand tu t'es embrouillé avec tes potes
Pour une histoire de gonzesse
Et de critiques à ton insu.
Mais j'étais là, j'ai tout entendu.

Là aussi, à la cave, pour voir ton cunni
Entre autres indélicatesses, avec ta truie
Dans ce Japon où l'on ne s'embrasse pas
Et où tu t'affiches sans le moindre embarras
À moitié à poil, scotché à ta morue
Tout aussi dénuée que toi
De retenue.

Je suis l'homme invisible, évidemment
Que tu m'avais déjà oublié
À peine nous étions-nous quittés
Malgré les éclats de rire que j'avais provoqués
Et l'on se revoit
Je suis un disque dur, je me souviens
De ton nom, de ton métier, je sais,
Ça t'en bouche un coin.
Tu te sens un peu mal, maintenant,
De me redemander les miens.


C'est ma stratégie
Toujours dans l'ombre
Ceux qui me voient
Font partie du nombre
Réduit de mes amis
Tu rigoles, tu danses, tu bois,
Tu oublies.
Moi, j'observe
Et je publie.

Shibuya, au petit matin
La Cour des miracles
À voir au moins une fois
Le fabuleux spectacle
Des filles qui se remaquillent,
Accroupies,
Des gens affalés sur le quai,
Endormis,
Comme des clodos, mais des
Clodos qui sortent
De boîte de nuit.

À la prochaine...

 
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