jeudi 19 juillet 2012

L'homme qui marche.


Cela fait déjà quelque temps que je voulais écrire cet article, probablement peu après ma rencontre avec Senbei, mais les blagues les meilleures étant les plus courtes il m'apparaît aujourd'hui pertinent d'expliquer à ceux qui ne le savent pas déjà qui je suis (pour celles qui souhaiteraient carrément une photo, c'est très simple : imaginez François Hollande, mais avec des costumes bien taillés).

Je ne cours pas. Ni après rien autour d'un stade, ni après les Japonaises de Roppongi, ni après l'argent, les médailles ou la gloire. Ni après le train qui va partir, comme ces Japonais qui s'entassent jusqu'au malaise quand le train suivant est déjà stationné derrière celui dans lequel ils estiment leur présence indispensable. Ni après la fille que j'ai vue en premier mais que je te laisse draguer quand même, parce que mon bonheur dépend moins d'une caresse que d'une bonne connexion internet, alors que toi, je vois bien que tu crois encore à la femme de ta vie et c'est peut-être elle. Ce soir, en tout cas.

Je n'ai quasiment jamais obtenu ce que j'ai voulu, et quand je l'ai eu je l'ai souvent regretté. Alors que toutes les bonnes choses qui me sont arrivées me sont tombées dessus from nowhere, mais à la limite du miracle ou de la caméra cachée (les circonstances de ma venue au Japon, mais juste WTF ?!). Tu avoueras que ça n'enjoint pas vraiment à la proactivité...
Mon métier, c'est professeur de japonais et ma vocation c'est l'enseignement. Si j'avais voulu de l'argent, j'aurais fait les études qu'il faut pour. Je n'ai pas d'ambition, aucune. Quand les gens me parlent de "challenge", d'"évolution", je ne comprends pas le but de tout ça. Je veux juste pouvoir enseigner le japonais. Qu'est-ce que c'est, l'évolution de "professeur de japonais" ? Enseigner au Stade de France ? Je suis aujourd'hui directeur d'une école, j'en ai le titre en tout cas, mais pas le pouvoir. Quand ma collaboratrice me dit que c'est "mon école", je lui réponds que non et elle croit entendre que je souhaiterais plus de responsabilités, de pouvoir exécutif, alors que c'est le contraire : je me fous éperdument du pouvoir et n'imagine pas une seule seconde qu'une institution puisse m'appartenir sans que j'y aie investi le moindre centime. Je veux juste qu'on arrête de me mentir, qu'on arrête de croire que je vais être tout fier de courir après la carotte qu'on me présente. Je ne cours pas. Je suis l'homme qui marche.

C'est pour ça que tu te trompes si tu crois que j'essaie de pisser plus loin que toi. Je n'ai pas d'ego à ce niveau-là : je ne dis pas "いいな~" comme une Japonaise qui a l'homme le plus beau et le plus dévoué dans sa main mais regarde avec envie ton nouveau copain moche juste parce que "le monde ne suffit pas". Si tu es plus beau que moi, que tu baises plus, que tu gagnes plus, je ne me dis pas que c'est injuste, je ne me dis pas "pourquoi lui ?", parce que j'en suis déjà à me demander "pourquoi moi ?" quand je regarde ma vie parsemée de bonheur.
Et aussi je suis gentil. Pas pour être ton ami, pas pour obtenir une faveur, pas pour que tu me regardes ne serait-ce qu'une fois, s'il-te-plaît, Princesse. Juste parce que j'ai de la marge. Parce que prendre soin de toi ne me coûte rien, alors si le résultat est le même autant essayer d'améliorer ta vie un peu. Ton ingratitude ne me blesse pas, car ce que je te donne je n'en ai jamais eu besoin, je ne sacrifie rien.
Je suis l'homme qui marche.

dimanche 1 juillet 2012

Socializing...

Une fois passée l'étape des soirées où tu rencontres des gens parce que c'est les potes de tes potes et que sinon ton cercle de relations se compte sur les doigts d'une main, vient l'étape où les gens ont reconnu ta plus value sociale et veulent absolument voir ta gueule dès qu'ils ont un kilo de nouilles en trop à partager. J'en suis là, donc je te raconte comment ça se passe, attention : choc culturel inside.

1) Le principe de l'invitation japonaise.

D'abord, le Japonais ne t'invite pas chez lui, sauf si tu es une meuf et que lui aussi est une meuf, auquel cas ça va, on peut se tripoter les seins dans le salon. Ça s'appelle une "home party", et rien que le fait qu'on précise te montre bien que ça ne va pas de soi.

Le Japonais t'invite donc à l'extérieur, et comme vous allez être nombreux et qu'il fait beau, ce sera autour du concept de barbecue, parce que quand l'appétit va tout va.

Premier détail qui va te changer : l'extérieur, c'est pas le jardin comme chez nous, où justement on a un peu peur que tu foutes le feu à la Corse entière ou à Yannick Noah avec tes conneries de relancer le feu avec un bon bidon d'essence, à 10 boules le litre, ça va, t'as les moyens mec, et du coup c'est interdit de faire du BBQ n'importe où.
Au Japon, au contraire, si on devait attendre que les mecs aient des jardins pour cramer de la couenne, on socialiserait pas souvent, donc tout est prévu : dans les parcs, à la plage, y a des espaces BBQ. Et oui, moi aussi de voir 300 personnes autorisées à faire du feu au milieu des arbres sans aucun encadrement, ça m'a fait bizarre la première fois.

Du coup, t'étonne pas si l'endroit où on t'invite est à 2h en train. T'es invité à un BBQ, tu bloques ta journée.

2) Le principe de "l'invitation" japonaise.

Moi qui suis habitué à des brunchs italiens où on te rappelle le week-end suivant pour finir ce que les gens ont laissé, je te cache pas que j'ai levé un sourcil quand on m'a demandé de sortir le portefeuille après que j'ai eu mangé 2 crevettes. Au Japon, on ne t'invite JAMAIS gratuitement. Anniversaire, soirées, baise, si c'est organisé et qu'il y a du monde, il y a toujours un minimum de 20€ à prévoir. Ouais, si je dis 2000¥ ça paraît raisonnable, mais quand je te le donne en €uros, tout de suite tu te rends compte que tu zapperais pas mal de soirées en France s'il fallait les débourser systématiquement. Des fois tu as l'impression de te faire couillonner, mais c'est le prix à payer pour construire son réseau social et également faire le tri de qui fait des pures teufs et qui est une balletringue, et des fois tu paies tes 2000¥ pour manger l'équivalent du quadruple en barbaque, le tout entouré de bonnasses en maillot de bain. J'y reviens.

3) La ponctualité des Japonais.

On t'a invité dans un coin que tu connais pas, il y a les correspondances en train, tout ça, on t'a donné une heure et un lieu précis pour que tout le monde se retrouve, donc pour arriver à l'heure tu prends un peu de marge. Faute. Faute grave. Le Japonais arrive tellement JAMAIS à l'heure que ça fait même partie de la définition du mot ponctualité :

Tu vois comme tout le monde est d'accord. Tu vas te faire avoir les premières fois, et puis après tu auras pigé le truc : e-mail et numéro de téléphone de l'organisateur obligatoires, console portable chargée, iPad, lecteur mp3... Comme si t'allais à la sécu.

4) T'es pas là pour faire ton DJ.

Attention, si jamais t'es mélomane et un peu délicat des oreilles, va falloir être sélectif au niveau des invitations : une journée à la plage, c'est de la musique de crétins à fond les ballons non-stop. Si tu viens pour emballer, je te conseille de faire un peu de muscu, parce que la conversation à côté des enceintes ça va être très très limité. Évidemment, ces demoiselles penseront que c'est la difficulté du japonais qui t'oblige à leur faire répéter chaque phrase, et pas du tout la stéréo juste derrière elles...

5) Ni ton muslim.

Grand classique des BBQ : ou tu bois de la bière, ou tu vas crever de soif. Quand c'est à la plage, t'as probablement un combini pas loin pour acheter ta boisson, mais au milieu de la forêt juste tes 2000¥ ils te paraissent plus chers que ton loyer.

6) Comme tu manges tu baises.
Tu sais pourquoi la plage c'est un repaire de bonnasses ? Parce que les moches y vont pas, tout simplement. Les Japonaises qui ont prévu un maillot de bain et 15 kilos de barbaque à faire griller, c'est comme les fumeuses qui avalent : elles aiment la queue, 肉食系 jusqu'au bout. Quand t'es invité par des nanas comme ça, fonce : les légumes seront là que pour décorer et t'auras droit à un autre menu que des yakisoba de merde avec 3 lardons qui se battent en duel. Et puis ça te permet de voir la marchandise pour de vrai, parce que les Japonaises et les soutifs, hein, ouais, on s'est bien compris.
 
Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.